Ventes de médicaments par Internet en l’Allemagne : une lente mais progressive ascension

Ventes de médicaments par Internet en l’Allemagne : une lente mais progressive ascension
août 16 17:12 2012 Imprimer l'article

[singlepic id=538 w=320 h=240 float=left]Le commerce officinal à distance de médicaments et de biens médicaux s’établit désormais en Allemagne à un niveau stable et atteint 3 % des ventes officinales totales. Sa croissance reste supérieure à celle du marché global du médicament, en hausse de 6 % au 1er semestre 2012 contre + 1,8 % pour les ventes au comptoir des officines, précise la société IMS. Si en valeur absolue, la part des ventes par correspondance demeure relativement modeste, à 680 millions d’euros, en volume elles représentent désormais 6 % des ventes totales effectuées par les pharmacies allemandes. L’OTC ou les produits de médication officinale en accès libre représentent plus de la moitié des commandes passées et livrées à nos voisins d’outre-Rhin.

Le mouvement engagé en Allemagne dans les années 2000 en vue de générer, par le biais d’une libéralisation du marché des produits non soumis à ordonnance, des économies pour les caisses d’assurance-maladie allemandes – avec un feu vert officiel des autorités accordé en 2004 – est désormais devenue une habitude bien répandue dans les rangs des assurés sociaux du pays. Longtemps assez marginal au niveau des ventes réalisées dans les annexes des officinaux, le commerce de produits de médication familiale poursuit ces dernières années une lente, mais irrésistible, ascension. Le phénomène s’est au départ développé comme une mode, étroitement associée à celle des ventes à distance rendues possible grâce à Internet. Progressivement les pharmaciens d’officine ont mis en place, en parallèle à leur commerce en dur, des services de ventes par téléphone via le web, en s’assurant au préalable de livraisons de produits OTC en grandes quantité et à des prix négociés. Ainsi les vitrines Internet ouvertes par les pharmaciens allemands, dûment enregistrés à leur Chambre officinale, offrent-elles de vastes gammes de produits contre la douleur, le rhume, les troubles gastriques, les soins de la peau ou encore contre l’addiction au tabac. Une nomenclature bien établie permet ainsi au consommateur d’accéder aisément au produit de son choix, produit qui bénéficie sur chaque site officinal de promotions alléchantes. Ici pas question de vérifier si le médicament librement vendu est compatible ou pas avec sa pathologie ou les produits prescrits par le médecin traitant habituel. L’essentiel est d’abord d’offrir un prix !

Une concurrence accrue par les prix

« La santé est le plus important dans la vie d’une personne et votre officine de ventes sur Internet se préoccupe de votre santé », affiche « Apotheke.de », l’un des nombreux opérateurs sur le marché allemand. L’objectif est ici, comme ailleurs, de vendre des produits agréés par les autorités au meilleur prix. A cet égard, le maître mot est la compétition, par discount interposé, perçue comme un gage de qualité, assortie la plupart du temps de frais de livraison gracieusement offerts ! « S’il est permis aux officinaux de renoncer à une part de leurs marges, ils doivent pouvoir continuer de faire bénéficier aux patients comme aux caisses maladie de ces gains d’efficacité », explique à cet égard le Pr. Wasem, un économiste allemand de la santé de Duisburg, pour qui les pharmacies de vente par correspondance combleraient des « lacunes dans l’approvisionnement » des médicaments en Allemagne. Une position que rejettent totalement leurs homologues français, pour qui les ventes sur Internet, si elles étaient autorisées en France, n’apporteraient rien de plus aux assurés sociaux, n’étaient-ce des risques de voir des contrefaçons se glisser dans la toile pour être vendues à des consommateurs imprudents. « La France dispose d’un réseau de 23 000 officines bien réparties sur le territoire national. Vendre des médicaments par Internet n’apporterait rien de plus aux Français, qui de surcroît se priveraient du service et des conseils que peuvent leur donner leur pharmacien de ville ou de village », répète à l’envie Gilles Bonnefond, président de l’USPO.

Un CA encore faible[singlepic id=537 w=180 h=140 float=right]

Fin juin 2012, le commerce officinal de ventes de médicaments par Internet s’est élevé en Allemagne à quelque 680 millions d’euros, en croissance de + 6 % par rapport à la même période en 2011.  Un chiffre qui doit être rapporté au CA global réalisé par les officines, en prix de ventes final, de 22,6 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année 2012 (hors rabais obligatoires imposés aux firmes, au commerce de gros ou aux officines elles-mêmes). Sur ces 680 millions, la plus grosse part est réalisée par les produits de médication officinale, sans ordonnance et en libre accès (dit OTC ou « over the counter »), pour lesquels les ventes à distance représentent désormais 11 à 12 % du total général du marché des OTC, précise IMS et qui représentent à elles seules 58 % des ventes à distance (voir tableau ci-après). « Comme à l’officine, les catégories de produits les plus vendues sont des produits contre les refroidissements et la douleur », ajoute la société d’analyse. « Une différence importante entre les deux canaux de vente réside dans le fait que les grands conditionnements passent le plus souvent par le commerce à distance, afin de bénéficier d’avantages tarifaires. » Sans compter que, dans le système des ventes par Internet, c’est bien un petit nombre de produits à forte rotation qui réalisent le plus gros du chiffre d’affaires. « Seulement 1 % du CA du commerce à distance de médicaments concerne des produits en vente libre prescrits sur ordonnance. Ce segment représente 14 % du CA des officines classiques au 1er semestre 2012. » Reste que les médicaments sous ordonnance ont, ce 1er semestre, représenté quelque 164 millions d’euros pour les opérateurs du commerce par correspondance. Un montant qui représente déjà 24 % du CA total de ces derniers, qui espèrent pouvoir le faire grimper progressivement dans le temps. Mais ces 0,72 % du CA officinal total ne constituent aucunement à ce jour une menace pour l’économie de l’officine qui, dans sa configuration traditionnelle, en dur, à encore de beaux jours devant elle. La vente à distance de produits prescrits suppose encore de nombreux garde fous et les quelques expériences originales qui ont pu se développer en Allemagne n’ont pas réellement trouvé preneurs. Acheter par Internet des médicaments devrait ainsi encore longtemps rester une pratique marginale.

Jean-Jacques Cristofari

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Les ventes de médicaments par correspondance en Allemagne en 2012

Les officines de ventes par correspondance les plus fréquemment citées par les Allemands :

[Source : Enquête SEMPORA consulting GmbH, « Le rôle à venir du commence officinal à distance », Euroforum 2010]

Pour en savoir plus sur la vente de médicaments sur Internet en Europe : « Pharmacie en ligne, une nouvelle législation pour une meilleure protection des officines et des consommateurs » – janvier 2012 – cabinet d’avocat Ulys

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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