Système de santé : le lower cost s’impose aux acteurs comme aux patients

Système de santé : le lower cost s’impose aux acteurs comme aux patients
août 07 08:58 2012 Imprimer l'article

Le gouvernement Ayrault, par les voix de Marisol Touraine, ministre de la Santé, et de Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, a annoncé que l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) devrait progresser de 2,7 % en 2013. Ce sont ainsi plus de 4,6 milliards d’euros supplémentaires qui devraient être investis l’an prochain dans le système de soins. Contrepartie à cet investissement : certains postes de la dépense devront être revus à la baisse et des économies d’au moins 2 milliards par an devront être réalisées sur la période 2013-2017.

Le récent rapport de l’IGAS/Inspection des Finances sur la « maîtrise de l’ONDAM 2013-2017 », qui donne une vision prospective du système de santé, est sans ambiguïtés à cet égard : des mesures énergiques – dont des déremboursements, des baisses des tarifs et des prix – devront être prises sur chaque sous-enveloppe de l’ONDAM (ville, hôpital et médico-social). Car faute de croissance – et de remontée des recettes – le gouvernement – et donc l’assurance-maladie en prise à des déficits abyssaux – devra réviser certains postes de la dépense à la baisse. L’industrie du médicament n’est pas épargnée : entre 2013 et 2017, elle sera sollicitée à hauteur de 4,5 milliards d’euros. De quoi accélérer ses restructurations et ses redéploiements vers l’Asie, et plus largement dans les BRIC, où se situent désormais ses véritables relais de croissance.

La France consacre par an 11,8 % de sa richesse nationale, soit plus de 220 milliards d’euros par an, à sa santé. Sur ce montant la part de l’assurance-maladie est, en 2011, de 167,1 milliards, soit autant de dépenses qui sont remboursées et requièrent un financement que ne peuvent plus assurer les faibles taux de croissance économique enregistrés depuis la crise de 2008. Ces dépenses remboursées se répartissent [voir ci-dessous] entre soins de ville (46,3 %), dépenses hospitalières (43,6 %) et dépenses médico-sociales (9,5 %). Année après année, différents plans de maîtrise des dépenses maladie se sont efforcés, sans grand succès, de contenir l’évolution de l’ONDAM, un objectif qui a toujours résolument été fixé en dessous de la pente « naturelle » des dépenses, soit entre 2,5 et 3 % par an, alors que la croissance tendancielle de dépenses de santé s’établit, depuis 2007, à quelque 4,4 %, comme le souligne en introduction le dernier rapport consacré à l’évolution même de cet objectif (1). D’où la quête permanente d’économies engagée par chaque LFSS. Les causes des évolutions en cours sont connues : elles ont pour nom le vieillissement de la population, le recours accru à des traitements de pointe aux coûts élevés, l’explosion des maladies chroniques avec son corolaire, la croissance continue des patients pris en charge au titre des affections de longue durée (ALD). Les remèdes pour juguler cette croissance sont restés fidèles à une ligne de conduite empruntée par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, et soutenue activement par l’assurance-maladie. Il s’agit outre des plans successifs d’économies (au moins un par an depuis 20 ans), du désengagement continue de l’assurance-maladie du « petit risque », entendu de la couverture optimale des soins primaires, avec également son corolaire : l’augmentation constante des restes à charges des patients, consécutifs aux divers déremboursements ou moindres remboursements, restes à charges que les assurances complémentaires se sont efforcés de reprendre à leur compte moyennant des hausses de cotisations. Quant à la reconfiguration/réorganisation du système de santé en vue d’une prise en charge des malades qui corresponde aux évolutions précitées, elle se résume pour l’heure à celle conduite par les Agences régionales de santé (ARS) à l’issue de la loi Hôpitaux, patients, santé, territoires (HPST) votée en 2009, sans que les mêmes agences disposent des outils de pilotage indispensables à une action réellement efficace, c’est à dire des données de santé sur lesquelles l’assurance-maladie maintient un solide monopole pour ne pas dire plus.

2 milliards d’économies par an

Dès lors, face à des déficits de la branche maladie (10 milliards d’euros en 2011,6 milliards en 2012) qui ne semblent pas se résoudre à diminuer – faute de recettes suffisantes issues des cotisations sociales -, les experts des Finances et de l’IGAS se sont livrés à quelques projections utiles : selon leurs calculs, l’ONDAM « tendanciel » devrait progresser de quelque 4 % par an entre 2012 et 2017. En fixant son taux à 3 %, il faudra, disent les experts, réaliser plus de 2 milliards d’économies annuelles et 2,8 milliards avec un taux arrêté à 2,5 %. Un effort qui, au total, représenterait entre 10 et 14 milliards d’euros sur le quinquennat et correspond à celui qui a été mis en oeuvre depuis 5 ans. Mais qu’il faudra engager par des « mesures structurelles », « en vue de soutenir un tel effort d’économie tout en préservant, voire en améliorant, la qualité et l’équité de l’accès aux soins ». Le rapport, qui avance divers scenarii [voir tableau ci-dessous], préconise à cet égard des mesures de bon sens, que les médecins généralistes du 1er recours réclament depuis des années, mais qui sont hélas trop souvent contrariées par les stratégies des autres acteurs, dont l’hôpital ou les spécialistes à plateaux techniques. Il propose ainsi de « fournir, pour chaque situation, l’offre de soins la plus appropriée », « une prise en charge adéquate » ou encore des « soins pertinents » qui doivent, « du point de vue des prescriptions passer par un renforcement de la maîtrise médicalisée ». Un meilleur usage des volumes de consommation en médecine de ville pourrait ainsi, dixit la mission IGAS/IGF, générer près de 1,5 milliard d’euros d’économies entre 2012 et 2017. Le rapport suggère même de mieux articuler l’action des professionnels de santé autour du parcours de soins du patients : toutes choses qui suppose une « structuration des soins de ville autour d’équipes pluridisciplinaires », « un partage d’information plus systématique » – où est passé le Dossier médical personnel ou DMP ? – ou encore « une meilleure articulation entre ville, hôpital et médico-social ». Recentrer l’hôpital sur son métier, désengorger les urgences, développer la chirurgie ambulatoire ou l’hospitalisation à domicile, sont autant de mesures réclamées de longue date et sur lesquelles reviennent aussi les rapporteurs. Des mesures qui ont fait l’objet d’un nombre incalculable de colloques, rapports, missions et audits du système de santé, au point qu’on peut se demander si de telles déclarations ont encore un réel sens, faute d’une solide volonté politique à l’épreuve des divers lobbys de la santé !

Partager « petit risque » et risque lourd

Le rapport ressemble ainsi à s’y méprendre à un remake des débats qui ont émaillés le parcours qui a donné lieu à la loi HPST, quelques mesures offensives en plus, telles des baisses de prix que la collectivité publique pourra demander aux professionnels de santé ou encore une diminution du nombre des officines, voire une meilleure maîtrise des charges de fonctionnement à l’hôpital. Car vues de Bercy, les mesures proposées conduisent tout naturellement à agir sur les prix, en baissant prix et tarifs : des actes de radiologie et de biologie, mais aussi des produits de santé ou pharmaceutiques, du princeps au générique. Avec pour maître mot, les gains en « efficience » ! Au total, les chiffrages réalisés par la mission conduisent à des économies potentielles de 10 à 14 milliards d’euros entre 2012 et 2017, avec un taux de l’ONDAM arrêté à 2,7 %. Autant dire que les acteurs de la santé ne seront pas, une fois encore, à la fête ! Ceux qui pouvaient encore réclamer, avant les élections, des investissements nouveaux dans la santé, risquent de déchanter rapidement. L’heure est résolument au « lower cost » dans le secteur de la santé, l’assurance-maladie et les complémentaires étant même invitées à réduire leurs coûts de fonctionnement. Pour les assurés sociaux, le rapport IGAS/IGF préconise un « partage au fil de l’eau des prises en charge entre « petit risque » et risque lourd » pour lesquels une divergence de taux de remboursement ne serait « pas contradictoire avec le principe de solidarité ». Par avance, Marisol Touraine, ministre de la Santé, et Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, ont fait savoir que ce « rapport montre qu’il est possible pour l’assurance maladie de payer les prestations de santé à meilleur prix. Il propose des mesures d’efficience qui alimenteront utilement les travaux de construction de l’ONDAM 2013 », ont ajouté ces derniers. Les débats parlementaires de la rentrée en vue du projet de loi de financement de la Sécu pour 2013 promettent d’être agités.

Jean-Jacques Cristofari

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Poids respectifs des différentes enveloppes de l’ONDAM en 2011 (en milliards d’euros)

(1) Source :  Rapport – Propositions pour la maîtrise de l’ONDAM 2013-2017, 15 juin 2012
 
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Source :  Rapport – Propositions pour la maîtrise de l’ONDAM 2013-2017 Page 74 et suivantes
 
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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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