Suisse : Novartis joue les « solutions constructives »

Suisse : Novartis joue les « solutions constructives »
janvier 18 13:31 2012 Imprimer l'article

[singlepic id=365 w=320 h=240 float=left]La forte mobilisation engagée par les élus du Canton de Vaud, les salariés du site de production de Nyon/Prangins et les médecins ayant appelé au boycott des produits de la firme en Suisse, a connu un heureux dénouement cette semaine. Le 25 octobre 2011, Novartis annonce la suppression de 2000 emplois dans le cadre d’un programme de réduction des coûts, dont 1100 en Suisse. Le site de Prangins-Nyon, actif dans les produits de santé sans ordonnance, doit perdre 320 de ses 630 emplois. Celui de Bâle plus de 700. Trois mois plus tard, le groupe bâlois, soumis à une forte pression, revoit sa copie.

[singlepic id=367 w=160 h=120 float=right] »La société a confirmé qu’après une analyse approfondie de toutes les mesures envisageables, menée avec l’ensemble des partenaires dont les autorités locales, cantonales et fédérales, les représentants du personnel, les collaborateurs et Novartis elle-même, le site de production de Nyon/Prangins (Suisse) sera préservé. » La nouvelle est tombée ce lundi 17 janvier et met un terme à une longue mobilisation sur le Canton de Vaud où est installée l’usine du bâlois. « Nous avons travaillé ensemble afin de trouver des solutions constructives permettant d’améliorer durablement la rentabilité du site de Nyon/Prangins, solutions auxquelles Novartis ne serait pas parvenue seule », a souligné Joseph Jimenez (photo), CEO de Novartis, dans un communiqué rendu public en ce début de semaine.

« Le dialogue a permis la solution »

« D’une manière générale, Novartis est fermement convaincue que les accords trouvés sont d’une grande importance non seulement pour la société, mais aussi pour la Suisse dans son ensemble » fait valoir le groupe suisse. Pour autant, rien n’était acquis quand, en octobre dernier (voir le film des évènements ci dessous), la direction de Novartis annonce un plan drastique de restructurations qui conduira la firme à supprimer plus d’un emploi sur dix en Suisse, en fermant notamment son site d’activité chimiques sur son « Campus » de Bâle, appelé à connaître la réduction et l’externalisation de certaines fonctions, ajouté au transfert de certaines activités de recherche de la Suisse vers les Etats-Unis. Mi-janvier, la stratégie n’est plus la même et Novartis a revu sa copie et fait savoir qu’il maintient à Bâle son projet d’extension du Campus à long terme. « Selon les plans actuels, ces locaux devraient pouvoir accueillir d’ici à 2030 de nouveaux collaborateurs, principalement dans la recherche et le développement, mais aussi dans des fonctions d’administration générale », indique la société. Les 7 000 équivalents plein temps qui travaillent sur le Campus de Novartis peuvent être rassurés : leur nombre passera à 10 000 en 2030. « Le site de Bâle reste le plus grand centre de recherche au sein du réseau mondial de la société ». Sur 8 milliards de dollars d’ investissements en recherche et développement réalisés au niveau mondial, 3,4 milliards sont allés à la Suisse, note encore le groupe. « La société maintient aussi les investissements annoncés précédemment pour ses sites suisses et poursuivra le développement de son Campus en tenant compte de la situation économique. »

[singlepic id=369 w=180 h=140 float=left]A Prangins le soulagement est de mise. « «Le site de Nyon ne sera pas fermé. Il n’y aura pas de licenciements à cet endroit et il a été décidé de réduire de deux tiers les pertes d’emplois qui étaient envisagées à Bâle», note Pascal Brenneisen (à d.sur photo) ,fraîchement nommé à la tête de Novartis Suisse, dans le journal Le Temps. Son patron au niveau du groupe Joe Jimenez, a demandé de réaliser 50 millions d’économies annuelles. Elles seront faites et la discrétion suisse commande de…ne pas commenter comment ! Mais pour y parvenir, le Canton a fait un geste : le site bénéficiera d’une exonération fiscale « temporaire », dont le montant n’est pas davantage dévoilé. La loi suisse, qui résulte d’accords intercantonaux pour éviter la surenchère fiscale lors d’implantations d’entreprises, autorise les cantons à faire un cadeau fiscal « à certaines conditions ». Il n’y aura pas créations d’emplois en la matière, mais absence de suppressions. « Ce n’est pas la pression syndicale, mais le dialogue qui a conduit à trouver une solution», commente le patron de Novartis Suisse. « Plus de 300 emplois industriels sont sauvés et le travail effectué a permis de préserver ainsi la diversification à long terme du tissu économique vaudois, a indiqué de son côté Philippe Leuba (à g. sur photo), chef du département de l’économie du canton de Vaud . Le Conseil d’Etat est pleinement satisfait du résultat obtenu. »

Maintien des emplois contre diminution des salaires [singlepic id=368 w=160 h=120 float=right]

A Genève, le médecin rhumatologue Bertrand Buchs (photo), qui a lancé un boycott des médicaments Novartis lorsque l’entreprise pharmaceutique avait annoncé vouloir délocaliser, ne cache pas sa satisfaction. « L’Association des médecins genevois (AMG) avait rapidement soutenu son initiative et au final, 130 praticiens du canton, selon les chiffres fournis par l’intéressé, ont suivi son boycott », rapporte la Tribune de Genève. « J’ai reçu aujourd’hui un appel d’un responsable de l’entreprise, commente le médecin. Il m’a affirmé que notre action avait fait réfléchir la direction. Cet événement montre que les médecins, unis, peuvent être une force face à ces grosses entreprises qui tiennent beaucoup à leur image. » « Tous les emplois sont préservés, une qualité du travail reconnue, des compétences misent en avant et surtout, un combat gagné dans la dignité et dans le respect de certaines valeurs », écrit le genevois sur son blog. Mais en contrepartie du maintien des activités en Suisse, les salariés ont accepté d’augmenter leur temps de travail et renoncé partiellement aux augmentations de salaire. « L’ensemble du personnel renoncera à une partie de l’augmentation salariale prévue pour 2012 et les collaborateurs soumis à la convention collective de travail qui effectuent actuellement 37,5 heures par semaine acceptent de passer à un temps de travail de 40 heures par semaine », note un communiqué de Novartis.

La soupe à la grimace aux Etats-Unis

Reste qu’outre-Atlantique, les employés de Novartis traversent un autre mauvaise passe : 1960 postes y sont supprimés, dont environ 330 postes d’encadrement, et le groupe envisage de réaliser une économie de près de 450 millions de dollars d’ici à 2013. Motif annoncé de ces licenciements : « anticiper des temps difficiles, obligeant à provisionner des charges d’un total de 1,2 milliard de dollars (933.5 millions d’euros) », annonce la direction début janvier. La perte du brevet en Europe de son médicament phare contre l’hypertension artérielle, Diovan (1,4 milliard de dollars de chiffre d’affaires au 3ème trimestre 2011), et l’échec subi sur une autre molécule, le Rasilez, n’y sont pas étrangers. 160 millions de dollars sont provisionnés au premier trimestre 2012 pour son plan de rigueur, 900 millions pour le Rasilez et 160 autres millions en raison de la fin de deux programmes des produits elonogrel et oral calcitonin, rapporte l’AFP.

Jean-Jacques Cristofari

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Un feuilleton de trois mois (d’après ATS) :

25 octobre 2011 : Novartis annonce la suppression de 2000 emplois dans le cadre d’un programme de réduction des coûts, dont 1100 en Suisse. Prangins-Nyon, actif dans les produits de santé sans ordonnance, doit perdre 320 de ses 630 emplois, Bâle plus de 700. Le même jour, le groupe pharmaceutique bâlois dévoile un bénéfice en hausse de 7% au 3e trimestre, à 2,49 milliards de dollars. Syndicats et gouvernement vaudois se disent choqués et veulent contraindre Novartis à revenir en arrière.
29 octobre : Manifestation à Bâle contre les suppressions d’emplois. Un millier de personnes répondent à l’appel du syndicat Unia. Ce dernier lance une pétition en faveur du personnel.
31 octobre : Réunis en assemblée, les employés de Nyon réclament le rapport des consultants, qui concluent à la délocalisation. Dans une lettre commune, les 18 élus vaudois au Conseil national demandent à Novartis de revenir sur sa décision.
1er novembre : Les autorités vaudoises apportent un soutien déterminé aux employés. Le Grand Conseil adopte une résolution à l’unanimité.
2 novembre : Le gouvernement de Bâle-Ville a un entretien «constructif» avec la direction de Novartis. Il reçoit des «garanties» concernant la procédure de restructuration et l’attachement à la région bâloise.
4 novembre : Des représentants des gouvernements vaudois et bâlois rencontrent le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann pour un «échange de vues sur les réductions d’emplois prévues par Novartis».
10 au 11 novembre : Des représentants du gouvernement vaudois (son président, Pascal Broulis, Philippe Leuba et Pierre-Yves Maillard) discutent avec le patron américain du groupe, Joe Jimenez, et le président du conseil d’administration, Daniel Vasella.
12 novembre : Un millier de personnes selon la police, 2500 selon les organisateurs, protestent à Nyon contre la fermeture du site.
16 novembre 2011 : Les employés de Novartis à Prangins observent une grève d’avertissement d’un jour pour obtenir la garantie que leurs alternatives à la fermeture du site soient sérieusement examinées par la direction du groupe.

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Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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