Réputation d’entreprise : l’image des laboratoires s’améliore

Réputation d’entreprise : l’image des laboratoires s’améliore
mars 28 17:56 2016 Imprimer l'article

patientViewL’enquête 2015 de la société anglaise PatientView sur la réputation des entreprises de santé, du point de vue des groupes de patients, voit l’image des industriels du médicament se redresser. Les attentes des patients demeurent fortes au regard de la transparence attendue de ces derniers et de leur politique des prix.

L’étude diligentée par PatientView (1) en 2015 et parue en mars 2016, révèle que 44,7 % des groupes de patients ayant répondu à son enquête annuelle sur la réputation d’entreprise considèrent que l’industrie du médicament dans sa globalité a une « excellente » ou « bonne » réputation. En 2011, ce score s’élevait à 42 %. Il avait même chuté à 34 % en 2012. Les associations de patients consultées pour la circonstance (2) placent cependant l’industrie pharmaceutique seulement au 5ème rang des 8 secteurs industriels de la santé classés pour leur réputation. Cette dernière remonte ainsi d’un rang par rapport à 2014. (cf. Tableau 2)

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Les pharmaciens d’officine continuent donc de tenir le haut du pavé en étant maintenu en tête du classement réalisés par les patients. Signe encourageant dans l’image que les associations de patients ont de l’industrie pharmaceutique, 28 % des 1075 groupes interrogés considèrent l’an passé que la réputation de ce secteur s’est globalement améliorée. Ce pourcentage est le plus fort jamais enregistré par les enquêtes de PatientView. « 2015 semble être une année de changement pour ce qui concerne les relations entretenues par les groupes de patients avec la branche pharmaceutique », notent les auteurs de l’étude. A l’opposé, « les entreprises semblent être devenues particulièrement conscientes de la puissance des groupes-de patients, en particulier de la capacité de ces organisations à apporter des changements dans le paysage des soins de santé. »

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Les patients sévères sur les prix des médicamens

Au regard des différents indicateurs retenus par les promoteurs de l’étude (3), cette dernière révèle également que l’industrie du médicament a une « excellente » ou « bonne » réputation dans la fabrication de produits de haute qualité. Les patients sont ainsi 72 % à le penser et ce score est le plus élevé de ceux enregistrés depuis 5 ans sur le même item. De la même manière 69 % des associations de patients considèrent que les industriels ont une « excellente » ou « bonne » réputation sur le terrain de l’innovation et 58 % sur l’assurance donnée quant à la sécurité des patients. Mais ces derniers maintiennent des réserves sur certains comportements de la pharma. Ils ne sont ainsi que 34 % à estimer « excellente » ou « bonne » sa réputation sur sa manière d’être « centrée sur les patients ». Enfin, le fossé se creuse entre groupes de patients et industrie du médicament sur le thème des prix : seulement 15 % des patients jugent « excellente » ou de « bonne » la politique des prix de la pharma et estiment à ce titre que cette dernière fait des profits déraisonnables. 45 % disent même que l’industrie est « médiocre » sur ce sujet.

Les groupes de patients qui s’estiment les plus lésés sur les prix des médicaments sont ceux qui sont spécialisés dans l’hépatite (59 % disent que la pharma est « pauvre » dans sa politique de prix équitable), le HIV/sida (55 %), les maladies rares (55 %) ou encore les malades respiratoires (49%). Les plus mécontents sur ce thème sont basés en France (79 %), aux Pays-Bas (66 %), en Allemagne (64 %), au Royaume-Uni (59 %), aux Etats-Unis (52 %) et plus largement dans des pays d’Europe de l’Ouest (51 %). Parmi les autres lacunes soulignées par les groupes de patients figure également le manque d’intégrité de la pharma : seulement 35 % des patients avancent comme « excellente » ou « bonne » cet indicateur de la réputation d’entreprise. 22 % estiment même que la pharma est « pauvre » sur cette question et 35,6 % ont déclaré que l’industrie était « médiocre » dans sa volonté de transparence. « Lorsque les groupes de patients parlent de la transparence des industries, ils font généralement référence à la transparence sur les prix, commentent les auteurs de l’étude. Donc, encore une fois, le prix reste au cœur des différences entre pharma et des groupes de patients. » En France, 79 % des patients confirment cette « pauvreté » dans la transparence des laboratoires pharmaceutiques, contre 55 % des patients allemands ou 53 % de leurs homologues italiens. En bas de l’échelle, ce n’est le cas que pour 20 % des européens de l’Est ou des latino-américains

Une autre question clé pour les associations de patients concerne l’accès aux essais cliniques. Ici seulement 6 % des patients estiment « excellente » l’aptitude des industriels de la pharma a favoriser l’accès des malades aux essais cliniques. 33 % l’estiment « bonne » 38 % pensent qu’elle est « juste ». A l’opposé, 27 % la jugent « médiocre ».

Contre les profits déraisonnables

Que doivent ou devraient faire les industriels de la pharma pour redresser ou améliorer  l’image qu’ont d’eux les patients ? Interrogés sur la recommandation la plus importante qu’ils pourraient être amenés à faire (un seul choix possible parmi les items proposés), les associations de patients répondent que les laboratoires devraient en priorité avoir des politiques tarifaires équitables et ne pas faire de profits déraisonnables. « Pour les groupes de patients, la tarification des médicaments est clairement le facteur le plus à même d’aider l’industrie à améliorer sa réputation d’entreprise », fait savoir PatientView.

05-Réputation-reco-patients2Le jugement des patients sur les laboratoires

Sur les 48 sociétés pharmaceutiques analysées par les groupes de patients, il ressort que :

  • ViiV Healthcare est une nouvelle fois numéro 1
  • AbbVie est en 2ème place, à l’identique de 2014
  • Lundbeck est 3ème, en améliorant de deux places son score de 2014
  • Janssen (j&j) est 4ème et gagne deux places par rapport à 2014
  • Novo Nordisk est 5ème et perd 3 rangs depuis 2014
  • Gilead est 6ème et gagne 8 rangs depuis 2014. Cette place n’est pas étrangère au produit contre l’hépatite C, le Sovald, mis sur le marché français en 2014 par le laboratoire au prix de 41 000 euros.

05-Réputation-labos-classementCe classement est la résultante du score moyen réalisés par les entreprises du médicament sur la base des 6 indicateurs proposés au jugement des associations de patients (3).

Une nouvelle fois, la société ViiV Healthcare, une joint venture entre les laboratoires Pfizer et GlaxoSmithKline créée en novembre 2009 autour du ViH, rejoints en 2012 par Shionogi, tient en 2015 le haut du pavé en terme de réputation d’entreprise : 53,8 % des groupes de patients répondants estiment que ce laboratoire a la stratégie patient la plus efficace. « La manière dont l’entreprise gère ses relations avec les groupes de patients après l’expiration des brevets de ses produits conditionne le jugement des organisations de patients sur le fait que l’entreprise est ou non centrée patient », note PatientView. Le score du leader sur cet item remonte de plus de 10 points par rapport à 2014, où il se situait à 41,7 %.  Il devance AbbVie, née d’une scission du groupe Abbott initiée en 2013, qui réalise un score de 40 % sur le même indicateur, suivi de Lundbeck (34,9 %), de Janssen (groupe J&J, à 33, 8%), de Novo Nordisk (30 %) ou encore de UCB (29,1 %). Le premier français du classement, le groupe Sanofi, se situe au 19è rang, avec un score de 18,9 %, loin devant Servier, classé 38è, avec 7,6 %. Sur le thème de la qualité de l’information délivrée aux patients, on trouve AbbVie en tête (36,5 %), suivi de ViiV Healthcare (35,9 %), de Lundbeck (32,5 %), de Novo Nordisk (30,2 %) et de Gilead Sciences (29,1 %). Roche est au 8ème rang (26 %), Pfizer au 10ème (23,2 %) et Sanofi se situe en 20ème place (15,4 %), devant Ipsen (10,8 %) ou encore Servier (5,5 %).

Au regard de l’indicateur portant sur la qualité des produits délivrés, ViiV Healthcare maintient sa place de leader (51,5 %), assez haut dans le classement, suivi cette fois de Gilead Sciences (44 %), devant AbbVie (32 %) et Lundbeck (29,8 %). Le français Sanofi se situe une fois encore loin dans ce classement, en 20è position avec 16,7 %. Roche et Pfizer sont dans le top 10 de ce même classement (avec respectivement 26,4 % et 25,1 %). Au regard de la question portant sur la transparence de la société avec ses parties prenantes, ViiV Healthcare détient une fois encore la palme (32,8 %), devant Janssen (27,6 %) et AbbVie (27 %). Enfin, ViiV Healthcare est premier (35,9 %) sur la question du niveau d’intégrité des laboratoires, devant Janssen (28,3 %) et AbbVie (26,1 %) ou encore Lundbeck (26 %). Le premier français sur ce critère est Ipsen (16è avec 14,8 %), devant Sanofi (18è avec 13,8 %).

Les groupes de patients ne sont pas, dans l’ensemble, favorables aux fusions acquisitions dans la pharma. Ils condamneront publiquement tout accord qu’ils pensent se produire dans le seul but  de réduire les factures de taxes et les frais généraux, soulignent en conclusion les auteurs de l’étude. Ils rejoignent en cela la récente décision du Trésor américain de contrarier la fusion entre Pfizer et Allergan, motivée pour l’essentiel pour des raisons fiscales. De même, le thème des prix est un sujet ultra sensible pour les patients. Une raison qui amène ces derniers à réclamer une plus grande transparence dans l’établissement des prix des médicaments. Enfin, ils sont très sensibles aux rumeurs de corruption, aux arrangements sur les prix (cf. l’affaire Avastin notamment), au détournement de données confidentielles sur les patients, ou encore aux manquements pour faire connaitre les effets indésirables des molécules. Les partenariats entre industriels du médicament et associations de patients se développent à grande vitesse et le rapport de PatientView témoigne de cette évolution. Reste que la moindre affaire nouvelle aura tôt fait de ruiner les efforts entrepris. Car les associations de malades demeurent vigilantes.

Jean-Jacques Cristofari

(1) The corporate reputation of the pharmaceutical industry – the patient perspective (5th edition), mars 2016

(2) L’enquête de PatientView a été menée auprès de 1075 groupes de patients, la plupart de dimension nationale, voir transnationale, issus de pays de l’Union européenne ainsi que des Etats-Unis et de l’Amérique Latine. Elle porte sur la réputation d’entreprise de 48 compagnies pharmaceutiques (voir Panel). Chaque groupe ou association de patients répondant a du identifier les 3 sociétés pharmaceutiques considérées comme les « meilleures » pour chacun des indicateurs retenus par PatientView (voir méthodologie). Les pourcentages donnés par le rapport sont calculés pour chaque société individuellement sur la base des opinions émises par chaque groupe de patients répondants et affirmant sa familiarité avec la compagnie pharmaceutique. 95 % des 1075 groupes ou associations de patients qui ont répondu à l’enquête de 2015 ont travaillé avec une firme pharmaceutique. La majorité a eu des relations de travail avec 5 sociétés pharmaceutiques ou moins.

(3) Les six indicateurs de la réputation d’entreprise de l’enquête de Patient-View :

  • la stratégie centrée patients du laboratoire
  • La qualité de l’information que la société dispense aux patients
  • Le bilan de la société relativement à la sécurité des patients
  • L’utilité pour les patients des produits de la société
  • Le bilan de la société en termes de transparence avec les parties prenantes externes.
  • La manière dont l’entreprise agit avec intégrité.
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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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