by Jean Jacques Cristofari | 25 octobre 2011 0 h 16 min
[singlepic id=315 w=320 h=240 float=left]Alors que les députés se préparent à examiner le projet de loi de financement de la Sécu pour 2012, les acteurs de la chaîne du médicament, producteurs en tête, entendent faire savoir aux Parlementaires que les produits pharmaceutiques se sauraient être accusés de tous les maux. Ceux qui ne veulent pas être désignés par avance comme les boucs émissaires de l’explosion des dépenses de santé en appellent à l’opinion publique. A leurs yeux, toute nouvelle attaque à l’encontre de la branche du médicament ne peut que fragiliser l’économie générale de cette dernière, sa capacité d’innovation, voir même la sécurité des produits mis à disposition des malades. Explications.
Les idées reçues ont la vie dure ! Celle qui avance régulièrement que les Français consomment davantage de médicaments que leurs voisins européens, du fait d’une pression permanente des laboratoires sur des prescripteurs mal formés et plus enclins qu’ailleurs à charger en produits leurs ordonnances, en fait partie. Pour tordre le cou à cette théorie qui alimente les chroniques des détracteurs de la pharma, le LEEM a demandé à une société d’études économiques, fortement impliquée en économie de la santé, le BIPE[1], d’évaluer « dans quelle mesure le médicament est un économiseur de coûts ? » De l’analyse de la société d’études, il ressort que le médicament a permis de réaliser des économies de l’ordre de 4 %, en moyenne, chaque année, entre 2005 et 2010 (voir tableau ci-dessous). A l’origine de ces dernières, les baisses de prix des médicaments, la substitution opérée depuis 1999 par les pharmaciens d’officine de spécialités sous brevet par des génériques moins chers, ou encore la délivrance de grands conditionnements aux malades chroniques. A ces causes s’ajoutent un demi-point supplémentaire d’économies réalisées grâce à la modération de la prescription des médecins, encouragée par les contrats d’amélioration des pratiques (CAPI) que ces mêmes médecins ont signé dans le passé avec l’assurance-maladie et qu’ils viennent de renégocier sous une autre forme (« le paiement à la performance »). A ces « gains d’efficience » se sont ajoutés des mesures de déremboursement, des hausses du ticket modérateur, des franchises par boîtes, soit autant de mesures qui ont permis de réduire la facture globale en médicaments, parfois au détriment des assurés sociaux dont les restes à charge ont pu croître.Fort de son analyse, le BIPE estime qu’on ne peut pas attribuer indistinctement au « marketing » des industriels du médicament et à leur pression commerciale ce qui relève en premier lieu « de la démographie pure (la population augmente et vieillit), ensuite des nouveaux produits (la structure de la prescription à pathologie donnée évolue, hors génériques, vers des produits plus chers) et enfin du mix-pathologies, souvent oublié ». Car aux yeux de la société d’étude, la modification de la structure des pathologies traitées, c’est à dire l’augmentation du nombre de patients traités pour des pathologies majeures, plus chères, participe de façon importante à l’évolution du marché du médicament. « Cette hausse de la prévalence des maladies graves ou chroniques (affections cardio-vasculaires, cancers, diabète, obésité, asthme, allergies, dépression, maladies neurologiques,…) constitue le principal défi du système de santé. Mais ce n’est pas propre à la France, c’est vrai dans tous les pays comparables ! », ajoute ainsi le BIPE, qui conclut : « Au total, le poste médicaments de la Cnamts évolue très nettement moins vite que le reste des soins de ville depuis 2006, ce qui reflète que le médicament a apporté l’immense majorité des économies en ambulatoire. » Un médicament dont les ventes ne progressent désormais plus, au grand dam des pharmaciens d’officine qui voient leur économie menacée à son tour !
[singlepic id=316 w=125 h=190 float=left]Un observatoire économique pour le médicament
« L’immense majorité des économies réalisées sur les soins de ville est le fait du médicament, qui s’est substitué, dans le coût global des soins, à des techniques plus onéreuses et plus invasives », note de son côté le LEEM qui plaide pour le meilleur usage possible du médicament dans le système de santé et non aux renoncements à des traitements qui peuvent éviter des coûts supérieurs, notamment à l’hôpital. Ainsi pour Christian Lajoux (photo), président du syndicat professionnel, il apparait que « le bon usage du médicament permet d’éviter d’autres dépenses de soins ». Pour parfaire la démonstration et afin d’alimenter un débat qu’il souhaite objectif, le LEEM vient d’annoncer la création d’un observatoire économique « chargé de fournir une information accessible et lisible basée sur des études référencées par un comité scientifique pluriel ». Le tout sera accessible sur l’Internet, et le futur observatoire permettra, nous est-il expliqué, « la mise à disposition des données barométriques, chiffres et tendances de fond fournis en temps réel, et alimentés par l’ensemble des parties prenantes (pouvoirs publics, professionnels de santé, industriels, universitaires, sociétés savantes…). « La recherche de l’optimum médical et économique concerne tous les postes de dépenses, et c’est le système de santé tout entier qui doit aujourd’hui progresser en efficience et en responsabilisation « , conclut le président du syndicat professionnel de la pharma. Le message s’adresse à la représentation nationale, mais sans doute aussi au directeur de l’UNCAM, Frédéric Van Roekeghem, adepte des quêtes d’efficience dans la santé ! Sera-t-il pour autant entendu ?
Ne pas se tromper d’enjeu
Reste que pour l’heure, les parlementaires des deux chambres devront encore se prononcer sur l’effort de maîtrise des dépenses de santé qui sera demandé aux parties prenantes en vue de maintenir l’évolution des dépenses d’assurance-maladie dans une enveloppe de 171,8 milliards d’euros, enveloppe autorisée à augmenter au maximum de 2,8 % en 2012. Si l’effort devra « être partagé entre tous les acteurs du système de soins », comme l’a fait savoir Valérie Pécresse, ministre du Budget, lors de la présentation du PLFSS pour 2012, les industriels de la pharma devront, une fois de plus, rétrocéder une part de leur chiffre d’affaires (1,6 % pour les années 2012 à 2014 contre 1 % en 2009). La mesure rapportera 400 millions d’euros, dont 150 millions – produit de la majoration de 0,6 point – seront donnés par la CNAMTS à l’organisme de gestion du développement professionnel continu (DPC) qui financera la formation des médecins. Une autre taxe sur les nouveaux médicaments servira à financer la nouvelle agence du médicament, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui remplacera l’Afssaps. Enfin, une contribution à la charge des entreprises exploitant des médicaments remboursables et qui représente leur participation à la régulation des dépenses de l’assurance maladie, taxe au taux dit K de 0,5 %, s’ajoutera aux prélèvements précités pour un rendement attendu de 50 millions d’euros. Ajoutées aux baisses de prix, aux nombreux déremboursements de médicaments, ces contributions verront la « participation » globale des industriels du médicament aux économies recherchées s’élever à quelque 770 millions d’euros, soit 0,45 % de l’ensemble des dépenses de santé pour 2012. Cette taxation de la branche et des 270 entreprises qui la composent à ce jour a récemment entraîné leurs représentants au LEEM à se lancer dans une campagne d’opinion, via une tribune parue en septembre dans 61 titres de la presse régionale où les assurés sociaux ont pu lire « Médicament : ne nous trompons pas d’enjeu ! ». Car pour le syndicat professionnel de la branche le PLFSS pour 2012 contient des « dispositions déconnectées de l’enjeu initial de sécurisation de la chaîne du médicament ». Une chaîne qui, en son aval, au sein de la distribution, a également des acteurs qui n’entendent pas faire les frais des impacts de la crise économique sur le secteur de la santé.
Jean-Jacques Cristofari
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Prochain article : « PLFSS 2012 : de la répartition à l’officine, des attentes et des inquiétudes »
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