by Jean Jacques Cristofari | 16 novembre 2010 1 h 29 min
[singlepic id=67 w=320 h=240 float=left]La coalition noire-rouge au pouvoir en Allemagne a adopté le 11 novembre, à 414 voix contre 269, une nouvelle réforme de la santé portant sur le médicament. Le feu vert a été donné au gouvernement Merkel (photo) pour freiner sinon encadrer fortement l’évolution des prix des spécialités pharmaceutiques nouvelles. Un « paquet pharmaceutique » qui n’est pas pour autant du goût des acteurs de la santé, industrie du médicament en tête. Pour atteindre l’équilibre des comptes de l’assurance-maladie en 2011, Angela Merkel augmente les cotisations sociales de 0,5 % et demande aux Allemands une contribution supplémentaire – indépendante du niveau des revenus – de 70 euros.
La très controversée réforme du marché allemand du médicament, dénommée « AMNOG » a finalement été adoptée par la chambre fédérale du Parlement allemand, le Bundestag, fin de la semaine dernière. Avec elle, les fabricants de médicaments devront à l’avenir, présenter dans un délai déterminé un dossier décrivant par le menu les avantages qu’apporte leur nouveau produit. Traduit dans le langage propre à nos administrations françaises, ils devront faire savoir quel service médical rendu supplémentaire peut apporter leur nouvelle molécule sur le marché allemand. Si le Comité fédéral mixte – organe suprême de décision de la cogestion du système de santé entre praticiens, hôpitaux et assurance-maladie (1) – ne détermine aucune valeur ajoutée supplémentaire au produit présenté, ce dernier se retrouve automatiquement enfermé dans le système de prix de référence qui encadre les prix des produits pharmaceutiques allemands depuis 1989 (2). La nouvelle disposition signe l’arrêt de mort de la liberté des prix en vigueur outre-Rhin depuis un demi siècle. Pour l’avenir, les fabricants de nouveaux médicaments sont tenus de négocier des accords contractuels de remboursement de leurs produits avec les organes centraux des différentes caisses d’assurance-maladie allemandes. Ce nouveau mode de fixation des prix affectera même les médicaments orphelins, pour peu que le chiffre d’affaires escompté pour un nouveau produit lancé sur le marché dépasse les 50 millions d’euros.
Brise le monopole des prix
Philippe Rössler, le très libéral ministre allemand de la Santé, issu des rangs de la FDP, considère que la réforme « va briser le monopole des prix des médicaments en vigueur jusqu’alors » et permettre d’établir outre-Rhin « un nouveau mode de fixation des prix qui soit concurrentiel et équitable ». Par ce nouveau « paquet pharmaceutique », fabricants et caisses maladie vont ainsi être amenés à négocier réellement les prix, rapporte la presse allemande. Une nouveauté qui traduit dans les faits une volonté clairement affichée par le ministre dès son arrivée à la Santé, volonté que les gouvernements de la précédente coalition n’avaient pas pu faire aboutir. « C’est une bonne journée pour les 80 millions d’assurés allemands », a déclaré dès son entrée en vigueur Johannes Singhammer, un expert santé de la CSU, qui y voit l’introduction de plus de clarté et de transparence dans l’établissement des prix, tandis que son opposant de la SPD, Karl Lauterbach, autre expert en santé, estime que cette loi ne parviendra pas à limiter les dépenses en médicaments pas plus qu’elle ne pourra améliorer la qualité des soins.
Pour les industriels du médicament, la réforme aura des conséquences dommageables, dont celle de peser fortement sur le développement de la recherche de nouvelles molécules, fait-on savoir au BPI, un syndicat professionnel qui rassemble des laboratoires allemands. « Ce qui sera décisif est la conception de l’évaluation précoce qui sera faite des nouveaux produits », souligne de son côté le VFA, qui rassemble les grands laboratoires étrangers opérant en Allemagne et qui s’inquiète des négociations de prix qui seront menées avec les sièges des principaux groupes d’assureurs publics, plus enclins à favoriser les réductions de coûts que leur efficacité ou la qualité des soins dispensés grâce aux produits mis sur le marché.
Les Allemands paieront la note, les pharmaciens aussi
Pour l’heure, nos voisins ont aussi, comme en France, à préparer leur future loi de financement de l’assurance-maladie. En jeu, la couverture de 179 milliards de dépenses maladie gagés par des recettes équivalentes (178,9 milliards) en provenance du Fonds santé, bâti sur des cotisations sociales fixées à 14,9 % cette année et qui devront augmenter de 0,6 % l’an prochain (avec une part patronale fixée à 7,3 %) pour assurer l’équilibre des comptes L’augmentation linéaire de l’ensemble des prestations est fixée à 1,25 % (ONDAM allemand), assis sur des dépenses en honoraires des médecins qui ne pourront s’accroître que dans la mesure où des économies pourront être réalisées ailleurs. Mais le morceau de choix de la réforme qui entrera en vigueur est la contribution supplémentaire que devront apporter les Allemands au financement de leur système de santé, entendu au Fonds Santé, indépendamment du niveau de leur revenu. Cette taxe additionnelle devrait, selon les économistes, approcher les 70 euros par mois et par foyer. La mesure permettra ainsi d’éviter une hausse plus forte que celle qui est prévue des cotisations sociales maladie ,qui atteindront cependant 15,5 % en 2011. Mais elle vise surtout à maintenir la compétitivité allemande, tout en préservant un équilibre des comptes de l’assurance-maladie qui fera à l’évidence rêver le nouveau ministre français en charge de la Santé, Xavier Bertrand. Car l’Allemagne est loin, très loin d’avoir accumulé les déficits que nous connaissons de ce côté du Rhin, pour avoir pris en leur temps les mesures qui s’imposaient. Reste désormais à connaître la position de la chambre des Länder (Bundesrat) qui peut encore faire valoir son refus d’approuver le texte du Bundestag le 17 décembre prochain.
Les pharmaciens d’officine ont d’ores et déjà fait savoir que la réforme Rössler, avec le rabais obligatoire de 2,05 euros par boîte de médicament (contre 1,75 actuellement) leur coûtera environ 200 millions d’euros. Chaque officine verra ainsi son CA diminuer de 7 500 euros dans les deux années à venir, soulignent les experts outre-Rhin.
Jean-Jacques Cristofari
(1) Le comité Fédéral mixte[1], créé le 1er janvier 2004 par la loi de modernisation de l’assurance-maladie, définit sous forme de directives le catalogue des prestations délivrées par l’assurance-maladie légale (publique) aux assurés allemands et fixe ainsi quelles prestations sont remboursées par cette dernière.
2) Le système de prix de référence a été introduit par les caisses d’assurance-maladie pour contenir l’évolution des prix des produits pharmaceutiques qui étaient libres jusqu’à ce jour en Allemagne. Ils sont composés de plusieurs groupes de produits qui fixent des prix maximum au-delà desquels les caisses d’assurance-maladie ne remboursent plus les assurés. Le système a connu des évolutions avec différentes lois de réforme de la santé dans la décennie en cours.
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