Industries de santé : un contrat pour relancer la filière

by Jean Jacques Cristofari | 24 juillet 2013 11 h 19 min

[singlepic id=790 w=300 h=220 float=left]Dans le cadre de la stratégie lancée au début de l’année pour consolider et structurer les filières industrielles françaises, le premier contrat de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITF) a été signé le 5 juillet. La signature intervient à l’issue du 6ème conseil stratégique des industries de santé (CSIS) tenu sous l’égide du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Les industriels de la branche (LEEM, G5, AFCROs …) se sont félicités des mesures proposées.

Riche de 44 propositions pour les industries de santé[1], ce contrat a nécessité l’intervention de 15 groupes de travail et l’élaboration de 87 versions, témoignant de la complexité et de l’importance de la tâche accomplie et à accomplir. Au final, les mesures s’articulent autour de quatre thèmes majeurs : recherche,  innovation et formation ; santé, efficience sanitaire et progrès thérapeutique ;  emploi, compétitivité et production ; exportation. Ainsi qu’annoncé lors de l’installation du comité de filières des industries de santé[2] au printemps dernier, les industriels se sont engagés à stabiliser puis à augmenter le nombre des essais cliniques et le nombre de patients français inclus par essai, l’objectif étant de passer de 30 à 60 % des essais proposés à la France après la mise en oeuvre de la convention unique hospitalière. Cette dernière mesure est ainsi considérée comme la « simplification administrative prioritaire » pour accélérer la mise en place des essais cliniques à promotion industrielle dans les établissements de santé. La barre a d’ailleurs été placée très haut, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, ayant annoncé que l’ambition était de ramener le délai nécessaire pour la signature d’une convention hospitalière à un mois au lieu des dix à douze mois nécessaires aujourd’hui en moyenne. « Il va falloir maintenant passer de la parole aux actes et avancer rapidement, notamment pour les mesures de simplification avancées qui sont peu coûteuses et faciles à mettre en œuvre dès lors que la volonté politique est présente, commente Denis Comet, président de l’Association française des sociétés de recherche sous contrat (AFCROs). Les entreprises de la recherche clinique sont dans une démarche résolument positive de contribution et de soutien à ces initiatives pour restaurer la compétitivité de la France dans le domaine de la Recherche Clinique», ajoute ce dernier

Trois filières « pertinentes »

Parmi la palette de propositions, se retrouvent à la fois des mesures déjà revendiquées depuis longtemps par les industriels, à l’instar de la fusion des taxes pesant sur l’industrie pharmaceutique, et des dispositions existantes jamais appliquées ou insuffisamment mises en oeuvre. C’est le cas notamment du forfait innovation pour les technologies de santé inscrit dans le Code de la Sécurité sociale ou de l’application du principe du mandataire unique pour la valorisation des brevets issus d’organismes publics de recherche. Les travaux ont aussi confirmé le choix des trois filières émergentes déjà pressenties au printemps lors de l’initiation du comité de filière. Ces filières qui ont été « jugées pertinentes pour l’effet structurant et d’entraînement qu’elles peuvent créer sur le secteur des industries de santé » sont : la télésanté, les diagnostics compagnons et la médecine cellulaire. Il est ainsi prévu d’organiser des « rencontres pilotes » autour de ces technologies et les premières rencontres thématiques devraient se tenir à relativement court terme, dans le courant du 2ème semestre pour les thérapies cellulaires et début 2014 pour le diagnostic et la médecine personnalisée. Concernant cette dernière thématique, les actions prévues dans le contrat de filière vont aussi s’attacher à combler un vide réglementaire majeur, avec la mise en place dès septembre d’un groupe de travail dédié aux procédures d’accès au marché des médicaments et des tests compagnons. L’objectif ici est de faciliter leur accès simultané aux patients et les premières mesures sont envisagées dès décembre. Au niveau des biosimilaires, un cadre juridique spécifique doit être mis en place pour développer leur utilisation en France.

Un pictogramme pour le « made in France »

Lors de l’installation du comité, fin mars, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, fervent partisan du « made in France », avait réclamé explicitement une « relocalisation des centres de production des matières pharmaceutiques[3] en Europe ». Une demande à laquelle pourrait contribuer l’apposition, sur le packaging, d’un pictogramme rendant explicite le lieu de production (principe actif, fabrication pharmaceutique, conditionnement). La mesure reste facultative et vise à permettre aux entreprises qui le souhaitent de « faire connaître les engagements sociétaux et environnementaux qu’elles prennent en localisant leur production en Europe ».

Encourager la bioproduction

Enfin, alors que, depuis plus d’une décennie, de nombreux rapports pointent du doigt le retard de la France en bioproduction, le comité propose une mesure de bon sens, à savoir une structuration de la filière à partir du développement d’initiatives déjà engagées par les différents acteurs de la bioproduction. Il s’agit ici de constituer un réseau cohérent entre académiques, start-up, PME et grandes entreprises à partir de la création de deux organisations « fédératrices ». La première serait un GIE (ou équivalent) qui regrouperait les membres du G5 et aurait vocation à assurer un guichet unique pour faciliter l’accès des pôles de compétitivité et des start-up et PME françaises aux savoir-faire et moyens de production. Plus spécialisée, la seconde structure se focalise sur les anticorps et l’immunothérapie et doit s’organiser autour de l’initiative de Lyon Biopôle pour créer une « fédération » entre pôles de compétitivité, pouvoirs publics et grands groupes. Reste maintenant à suivre la concrétisation de cet ambitieux plan d’actions.

Des pistes claires et précises[singlepic id=789 w=260 h=180 float=right]

A l’issue de la réunion, Hervé Gisserot (photo), président du LEEM, a fait savoir que « le CSIS est une ligne de départ et non une ligne d’arrivée. Il ouvre des pistes de travail claires et précises ». « Dans la continuité de ce 6ème CSIS, il est essentiel que la France adopte une politique cohérente et pérenne, où les efforts d’attractivité déployés conjointement ne soient pas, demain, démentis par des mesures de régulations brutales », a ajouté ce dernier, en estimant que les mesures qui seront prises à l’encontre du médicament dans le Projet de Loi de financement de la Sécu pour 2013 vont à l’encontre des « ambitions scientifiques et industrielles poursuivies ». En effet, la note pour les industriels de la pharma pourrait une fois encore dépasser le milliard d’euros, ce que déplore par avance le LEEM. De son côté, le G5 (1), qui regroupe des laboratoires français – dont un membre éminent, Pierre Fabre, vient de disparaître[4] – a indiquer se  » réjouir de l’écoute du Premier Ministre et de sa compréhension des enjeux de la filière et espère qu’aucune mesure contraire ne viendra fragiliser la dynamique enclenchée par la signature de ce premier contrat. » Ce cercle réclame par ailleurs un  » soutien sans faille aux nombreuses PME du secteur. » A cet égard, une organisation pays/marché est mise en place pour l’exportation (2), avec des Clubs santé dans les pays prioritaires, en lien avec la Stratégie pour le commerce extérieur de la France (mesure n° 44). Dans ce cadre, les grands groupes se sont engagés à proposer des contacts et des facilités d’hébergements à l’étranger pour les PME. Enfin, des mesures de simplification administrative ont été retenues et devraient accompagner le mouvement qui vise à faciliter les exportations depuis le territoire national de médicaments à usage humain et vétérinaire ainsi que de compléments alimentaires. Il reste désormais à savoir dans quels délais et avec quelle pertinence ce programme sera suivi d’effets réels.

Anne Lise Berthier et J-J Cristofari

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(1) Le G5 santé, porte-voix des industries de santé françaises, est un cercle de réflexion, présidé par Marc de Garidel, Pdg du groupe Ipsen, qui rassemble les dirigeants des principales entreprises françaises de santé et des sciences du vivant (bioMérieux, Guerbet, Ipsen, Laboratoires Théa, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Stallergenes).

(2) voir la note de synthèse[5]

Endnotes:
  1. 44 propositions pour les industries de santé: http://biopharmanalyses.fr/wp-content/uploads/2013/07/44-propositions-pour-les-industries-de-sant%C3%A91.pdf
  2. installation du comité de filières des industries de santé: http://biopharmanalyses.fr/installation-du-csf-sante/
  3. production des matières pharmaceutiques: http://pharmanalyses.fr/dominique-maraninchi-directeur-de-l%E2%80%99ansm-%C2%ABla-production-des-matieres-1eres-pharmaceutiques-merite-detre-remise-en-question/
  4. Pierre Fabre, vient de disparaître: http://pharmanalyses.fr/disparition-dun-indefectible-independant-de-la-pharma-francaise/
  5. note de synthèse: http://pharmanalyses.fr/wp-content/uploads/2013/07/note-de-synthèse.pdf

Source URL: https://pharmanalyses.fr/industries-de-sante-un-contrat-pour-relancer-la-filiere/