by Jean Jacques Cristofari | 9 mai 2018 19 h 01 min
En janvier dernier, le président du LEEM tire la sonnette d’alarme et souligne un « lent, mais inexorable déclin » de l’industrie pharmaceutique en France. A ses yeux 2018 sera « une année décisive pour l’attractivité de la France » et une année jalonnée d’échéances à ne pas rater. La baisse des dépenses de promotion témoigne du moindre tonus des laboratoires opérant en France.
En janvier dernier, lors de ses vœux à la presse, le président du LEEM faisait part de son regret de constater que l’industrie du médicament était « jusqu’à présent, la grande oubliée de cet “esprit de reconquête” revendiqué par le Président de la République lors de ses vœux. 2017 s’annonçait pour l’industrie pharmaceutique comme une année de rupture », souligne alors Patrick Errard (photo). « Nos entreprises cochaient en effet toutes les cases du programme économique du Président de la République. La case “rayonnement international de la France”, la case “réindustrialisation du pays”, la case “innovation, connaissance et économie du savoir” et la case “emploi, apprentissage et formation”. C’est dire si les attentes étaient fortes. ». Le bilan dressé par le patron du syndicat professionnel fait état d’un « lent, mais inexorable déclin » de l’industrie pharmaceutique en France, comparé à la situation que la même industrie vit chez nos voisins européens.
Le LEEM note à cet égard les différents indicateurs qui témoignent d’une dégradation de l’attractivité de l’Hexagone :
– En 2016, la France n’a été incluse que dans 26 % des études cliniques européennes, contre 31 % en 2015, et elle serait « de moins en moins attractive pour mener des essais cliniques de nouveaux médicaments ».
– Seulement 21 médicaments ont été produits en France entre 2012 et 2016, sur les 282 autorisés par l’Agence européenne du médicament. L’Allemagne, de son côté, en a produit 86 sur la même période, le Royaume-Uni 68 et l’Irlande 39. Ainsi, en une décennie, la France est passée de la position de premier pays producteur de médicaments en Europe à la 4e place, derrière l’Italie qui affiche une croissance de 5% de sa production (cf. Tableau 1). L’Hexagone dispose cependant de 271 sites de production qui emploient environ 44 000 personnes, dont 19 000 dans la fabrication et le conditionnement des médicaments et 8 276 dans le support à la production. Si la France possède des atouts dans le domaine de la bioproduction, elle tarde cependant encore à se positionner dans la course européenne de ce secteur d’activité (cf. encadré 1).
– Toujours en 2016, aucune ASMR 1 n’a été accordée par la Commission de la Transparence de la HAS en 2016 et en 2017. « Ce zéro pointé lorsque l’on connaît la réalité de l’innovation discrédite notre système d’évaluation médico-scientifique et milite pour une refonte urgente des modalités d’évaluation du médicament en France », souligne le président du LEEM. Sans compter qu’en France, la durée médiane d’un accès aux médicaments innovants (hors ATU) est de 530 jours, soit un an de plus qu’en Allemagne ou qu’au Royaume-Uni.
Aux yeux du président du LEEM, 2018 serait ainsi « une année décisive pour l’attractivité de la France » et une année jalonnée d’échéances à ne pas rater. Il note dans ce registre l’ouverture de la réforme de l’évaluation médico-économique des médicaments à travers le chantier de la Valeur Thérapeutique Relative (VTR) et la relance par le gouvernement du Conseil Stratégique des Industries de Santé. Un CSIS dont la tenue est attendue pour le mois de juillet prochain et qui, selon le LEEM, doit permettre « de trouver collectivement, sous l’égide des plus hautes instances de l’Etat, les outils pour relancer les moteurs de l’attractivité et de la compétitivité française dans le domaine de la santé ». La 2e échéance renvoie au futur projet de loi de financement de la Sécu pour 2019, qui, selon Patrick Errard, « ne pourra être qu’un PLFSS de rupture, de réforme, qui s’inscrive dans le temps long et facilite l’accès précoce des patients aux traitements les plus innovants et les plus efficaces ». « L’incapacité à transformer structurellement notre système de santé pour moderniser la distribution des soins dans notre pays ne constituerait pas seulement un échec retentissant pour le gouvernement, mais aussi pour l’ensemble de la société française », avertit le patron du LEEM. L’avertissement est on ne peut plus clair !
Enfin, le renouvellement de l’Accord Cadre avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) constitue la 3e échéance. Une renégociation que Patrick Errard estime être intimement liée à la réforme de l’évaluation médico-économique. Le Leem rappelle en ce début d’année que « la levée des ambiguïtés et contradictions portées par la lettre d’orientation ministérielle constitue un préalable à la réouverture des négociations. »
Stabilisation des effectifs de la branche
Les résultats de la dernière enquête annuelle Emploi du Leem, publiée en décembre 2017, font état d’une stabilisation des effectifs de l’industrie pharmaceutique en France, qui rassemble 98 786 salariés fin 2016 (contre plus de 108 000 collaborateurs en 2008), soit une progression des effectifs de 0,1 % (cf. Tableau 2). Pour 2017, les premières estimations avancent une croissance des effectifs de l’ordre de 0,4 %. Si les emplois dans la production continuent de progresser (44 136 en 2016, contre 43 666 en 2015), les effectifs de commercialisation-diffusion s’inscrivent à la baisse. Ils ne représenteront plus que 24,8 % de l’emploi du secteur en 2016 contre 31 % dix ans auparavant.
La situation de la branche est à comparer à celle de nos voisins européens. « La France est devenue l’un des pays européens les moins attractifs à l’international, note le LEEM. Dans de nombreux domaines stratégiques (accès au marché, stabilité de l’environnement fiscal et réglementaire, coût de production, coût de la main-d’œuvre etc.), l’industrie pharmaceutique française est désormais distancée par l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie ou l’Irlande. En termes de fiscalité, sur sept pays étudiés par le cabinet PwC (1) pour le compte du Leem (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Suisse), la France est systématiquement en queue de peloton avec des taux d’impôts largement supérieurs à la moyenne européenne. Les taux étrangers sont inférieurs aux taux français, avec un écart minimum de 2 points avec la France. « Outre le taux global d’imposition, l’instabilité chronique des règles fiscales françaises est aujourd’hui un obstacle pour les investisseurs étrangers cherchant à s’implanter en France », note le LEEM.
Visite médicale : nouvelles règles de déploiement
Dans le secteur de la commercialisation du médicament, les effectifs continuent de baisser, en particulier dans les rangs des salariés en charge de l’information, de la promotion et de la vente. Fin 2016, ces derniers ne sont plus que 16 630, auxquels s’ajoutent les personnes en charge du marketing des produits (3 930), les collaborateurs chargés des relations clients, du service après vente et de l’assistance technique, et enfin ceux occupés dans les autres domaines de la commercialisation des médicaments et de leur diffusion (2206). La baisse des effectifs de VM est dans ce registre la plus manifeste. Sur le terrain, ils ne seraient désormais plus que 12 282 salariés chargés de l’information promotionnelle, contre 24 821 en 2004, année où les effectifs étaient au plus haut. Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales et industrielles du Leem prévoit ainsi « un besoin de 8 000 à 9 000 collaborateurs d’ici 2020, mais avec des profils différents de la génération actuelle de visiteurs médicaux. ». Cette évolution est à associer étroitement à la modification du portefeuille de produits que souhaitent promouvoir les industriels du médicament. En effet, ce dernier comporte désormais un nombre croissant de produits de spécialité et de haute valeur ajoutée, promus en général dans les rangs du monde hospitalier et que l’on retrouve dans un deuxième temps en prescriptions de ville. L’Assurance maladie estime à cet égard que la moitié de la croissance des dépenses de médicaments en ville serait due aux prescriptions hospitalières.
Une raison pour laquelle l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) et le LEEM ont engagé, il y a bientôt un an, dans la foulée du référentiel de certification de la VM par la Haute Autorité de Santé adopté en mars 2016, des discussions en vue de la conclusion d’une convention qui encadrera la visite collective des délégués médicaux dans les établissements de l’AP-HP. La démarche procède d’une volonté initiale du directeur général de l’AP-HP, M. Martin Hirsch, de mettre en place dans ses établissements une stratégie de prévention des conflits d’intérêts.
Un article a ainsi été inséré fin mars 2017 dans le règlement intérieur de l’AP-HP, afin de poser le principe d’une visite médicale collective, dans des conditions qui devaient être précisées par une convention conclue avec les représentants des industriels du médicament. « L’objectif est de mettre fin à la délivrance d’informations sur les produits de santé selon des modalités unilatéralement organisées par les industriels et d’y substituer des échanges d’informations encadrés par les équipes médicales, à l’exclusion de toute réunion à caractère promotionnel », a initialement indiqué Martin Hirsch. Si les discussions engagées entre le LEEM et l’AP-HP ont permis de faire évoluer le texte proposé par cette dernière, à l’arrivée « les entreprises du médicament ne s’y sont pas retrouvées », selon les propres termes de Patrick Errard et le texte proposé au LEEM sera finalement rejeté en septembre dernier.
Cette mise en oeuvre des nouvelles règles sur la visite médicale (VM) dans les établissements de santé a été analysée par la société de recherche en marketing Stethos pour l’association InfoStat. 18 professionnels de santé travaillant en établissement public ou privé (chefs de services, praticiens, internes, infirmiers) et 18 salariés de 10 laboratoires pharmaceutiques (directeurs régionaux, visiteurs médicaux) ont été interrogés en vue d’établir un état des lieux et les perspectives de la VM dans les établissements de santé au regard du référentiel de la visite médicale édicté par la HAS (2). Présentés le 22 mars 2018 à l’occasion de l’assemblée générale annuelle d’InfoStat, association qui regroupe les professionnels des études de marché, du marketing, des ventes ou de l’accès au marché de 38 laboratoires pharmaceutiques, les résultats mettent en évidence une « très grande hétérogénéité des modalités de la visite » dans les établissements, explique Barbara Filloux-Clément, directrice d’études chez Stethos. « Il n’existe aucun consensus entre les établissements voire au sein même des établissements. C’est le chef de service qui décide », ajoute cette dernière. Elle a analysé un degré d’implémentation des nouvelles règles « très divers selon les laboratoires » et a estimé que la visite collective n’est pas apparue comme une préoccupation pour les hospitaliers. Si le caractère collectif de la visite est une évolution souhaitée par les internes et les infirmiers, en revanche les chefs de service et les praticiens plébiscitent la visite en face à face et considèrent la visite collective comme « liberticide », « contournable » et « inapplicable » d’un point de vue logistique, notamment dans le privé. De leur côté, les VM, très hostiles, ont évoqué des « barrières logistiques et statutaires » à la visite collective et disent s’inquiéter des conséquences sur l’emploi. Quant à l’obligation de conclure une convention entre le laboratoire et l’hôpital – telle que prévue dans la réforme en cours à l’AP-HP -, les professionnels de santé sont plutôt d’accord, même si la possibilité d’interdire l’accès à un établissement à laboratoire qui ne respecterait pas la convention avec l’AP-HP est jugée « excessive » par les professionnels de santé interrogés, alors que les VM soulignent que cela augmentera leurs tâches administratives. Cette évolution des relations entre les délégués médicaux des laboratoires et les établissements de santé n’a pas été sans impact sur les dépenses promotionnelles des industriels du médicament, qui poursuivent une tendance nettement marquée à la baisse.
Dépenses de promotion : l’effondrement
La promotion des laboratoires pharmaceutiques opérant en France a, en 2017, connu une nouvelle baisse significative de ses investissements, de -2,2%, à 2,7 milliards d’euros (voir tableau ci-dessous). Nous sommes désormais loin des sommes investies en début de décennies, avec 3,331 milliards d’euros de dépenses consacrées à accompagner les ventes de médicaments en ville comme à l’hôpital. Hormis les efforts consacrés à promouvoir le médicament en direction du grand public (DTC, + 5,7 %), l’ensemble des postes de la dépense affiche une baisse en 2017 : la visite médicale (VM), qui consacre le plus gros des efforts des laboratoires, avec 38,8% du total des investissements (1,047 milliards d’euros), est une nouvelle fois en recul, à -1,4%. Mais la chute est moins significative qu’en 2016, année au cours de laquelle la VM a vu ses dépenses plonger de 11,6% par rapport à 2015, de 1,186 milliards à 1,061 milliards d’euros. La baisse des effectifs de délégués médicaux, associée à l’effondrement du nombre de spécialités à promouvoir en médecine générale, n’est pas étrangère à cette évolution.
Au fil de la décennie, le poste « direct to consumers » (DTC) est passé de 19,8 % des dépenses totales en 2010 (655,5 millions d’euros) à 37,8 % en 2017 (1,022 milliard d’euros). Il traduit la volonté de l’ensemble des industriels de la branche d’accroître leurs efforts en direction du grand public en s’appuyant sur tous les supports offerts par l’ère du digital et des médias audiovisuels contemporains. Les efforts consentis en faveur du DTC, qui a bondi de 5,7 % en 2017, semblent avoir pu être réalisés grâce à la baisse des investissements consacrés au poste « mailing » et « merchandising », qui chute de 18,4%, de 380 millions à 310 millions d’euros entre 2016 et 2017. Enfin, il faut noter la baisse des dépenses consacrées à promouvoir les études cliniques en France, qui chutent de 23,8%, pour atteindre 1,4% des dépenses totales, soit 37,78 millions d’euros. La presse, notamment la presse médicale, n’est guère mieux lotie et enregistre une baisse des investissements qui lui sont consacrés de 8,8%, à 51,28 millions d’euros. Le mouvement général de recul des dépenses promotionnelles des laboratoires pharmaceutiques s’accompagne également d’une chute des investissements consacrés aux relations publiques en 2017 (-5,8%, à 218,61 millions d’euros).
Information sur le médicament : un encadrement renforcé
Depuis le mois de mars 2017, la visite médicale des industriels du médicament est placée sous la coupe du référentiel de certification adopté par le Collège de la Haute Autorité de Santé (HAS). Ce dernier s’inscrit dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance-maladie qui veut qu’« une charte de qualité des pratiques professionnelles des personnes chargées de la promotion des spécialités pharmaceutiques par démarchage ou prospection [soit] conclue entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et un ou plusieurs syndicats représentatifs des entreprises du médicament ». Une charte de l’information par démarchage ou prospection visant à la promotion des médicaments a donc été signée le 15 octobre 2014. Cette dernière modifie le champ d’application de la charte de 2004 ainsi que les obligations des entreprises – tenues en matière d’information visant à promouvoir la prescription, la délivrance ou l’utilisation de spécialités pharmaceutiques auprès de tout professionnel habilité à prescrire, dispenser et utiliser ces médicament – de « favoriser la qualité du traitement médical dans le souci d’éviter le mésusage du médicament, de ne pas occasionner de dépenses inutiles et de participer à l’information des professionnels de santé. ».
Selon les termes de la HAS (2), ce référentiel de certification s’applique ainsi « à l’activité d’information par démarchage ou prospection visant à la promotion des médicaments, ce quels qu’en soient la forme et le support (y compris à distance), à toutes les personnes exerçant, même occasionnellement, une activité d’information par démarchage ou prospection visant à la promotion des spécialités pharmaceutiques ». Enfin, il s’applique en tout lieu, notamment en tout lieu d’exercice des professionnels rencontrés. L’objectif de la certification, qui vise directement le système de management de la qualité de l’entreprise, vise à s’assurer que l’entreprise (exploitant ou sous-traitant) met en oeuvre un système pour garantir la conformité à la charte de ses pratiques d’information par démarchage ou prospection visant à la promotion des médicaments (y compris lorsque cette activité est sous-traitée en tout ou partie).
« De façon plus générale, le référentiel et la certification ne s’adressent plus à un métier exercé par un individu (visiteur médical), mais à une activité « la promotion et le démarchage » indépendamment de qui la pratique et de l’endroit où cela se déroule », souligne le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) dans son dernier rapport d’activité (3) . Le champ du système charte/certification est donc élargi à toutes les personnes exerçant une activité d’information promotionnelle et à tous les lieux concernés
Ce dispositif a été complété par la création d’un Observatoire national de l’information promotionnelle (ONIP[1]), inscrit dans la Charte de 2014 signée entre le LEEM et le CEPS, dont l’objectif est de « mesurer la conformité des pratiques de promotion des entreprises du médicament à la charte sur la base d’un questionnaire conjointement élaboré par le CEPS et le Leem ». Une première enquête a été diligentée en fin 2015 sur une liste de 72 produits, « construite sur la base de la liste des produits les plus promus, éventuellement enrichie de produits d’intérêt pour le CEPS ». Les résultats seront portés à la connaissance du CEPS en mars 2016 et feront l’objet d’un traitement lors d’un Comité paritaire de suivi de la Charte de la promotion, conjointement par le LEEM et le CEPS. Ce dernier notera dans son dernier rapport que pour l’organisation de la visite, « les résultats globaux ont été dans l’ensemble très favorables avec une conformité moyenne toujours au-dessus de 90% pour les questions ayant trait à cette dimension avec de nombreux produits en excellence et aucun en alerte ». Sur le contenu de l’information délivrée, le CEPS fera valoir des « résultats sont plus contrastés ». Enfin, sur la satisfaction des professionnels de santé, il indiquera des résultats globaux très favorables avec un taux de satisfaction supérieur ou égal à 90% pour le « contenu de l’information sur le bon usage », pour « l’objectivité des informations » présentées et pour « la fréquence et la durée des visites ». L’analyse comparée entre ville et hôpital révèlera « des écarts de pratique entre ces deux lieux de réception de la visite médicale, dont le plus significatif concerne le contenu de l’information délivrée sur les « modalités de prise en charge par l’assurance maladie ». Pour ce critère, la conformité à l’hôpital est moindre que celle en ville, indique le rapport.
Une 2ème enquête s’en suivra en fin de l’année 2016, qui s’appuiera toutefois sur un questionnaire amélioré au vu des questions qui ont posé des difficultés d’interprétation dans la campagne précédente. Il limitera à 50 le nombre de produits évalués, en planifiant sur une période plus longue le recueil des données. Il faudra cependant attendre le prochain rapport d’activité du CEPS – courant 2018 – pour en connaître les résultats. Depuis sa création, l’ONIP aura été l’objet de nombreux débats[2] relatifs aux modalités de sa mise en place, à sa méthodologie voire à ses résultats, sans que le CEPS ait apporté de réelle réponse aux questions posées.
Une charte bien appliquée
La lecture des textes promulgués avec les années laisse entrevoir que le métier de délégué médical relève désormais d’un véritable parcours du combattant balisé de nombreuses règles (d’accès aux établissements de santé, d’identification, de circulation), nécessitant une organisation préalable, doté d’interdiction d’accès à certaines structures et privé de la recherche de données spécifiques. La Charte de 2014[3] exige ainsi de la personne qui exerce une activité d’information par démarchage et prospection visant à la promotion, qu’elle ne perturbe pas le bon fonctionnement du cabinet médical ou de l’établissent de santé visité. Le délégué médical doit s’assurer que son interlocuteur a une parfaite connaissance, notamment, de son identité, de sa fonction, du nom de l’entreprise et /ou du réseau représenté, comme du nom du titulaire de l’AMM de la spécialité présentée. Il doit respecter les horaires, les conditions d’accès et de circulation au sein des différents lieux d’exercice où se déroule la rencontre ainsi que la durée et le lieu édictés par le professionnel de santé ou l’établissement de santé. Ainsi, l’accès aux structures à accès restreint est interdit sans accord préalable, à chaque visite, des responsables de visites concernés. La rencontre fait l’objet d’une organisation préalable et d’accords préalables. Toutes choses qui compliquent à loisir le parcours du DM et qui confèrent à une pratique commerciale sous étroite surveillance une dimension administrative nouvelle et fortement contraignante. Trop de règles tuent les règles et si l’on voulait, au nom de la gestion des conflits d’intérêt et de la transparence, tuer la visite médicale, on ne s’y prendrait pas autrement.
Reste qu’au regard des nouvelles contraintes qui encadrent le déroulement des visites médicales à l’hôpital, les médecins hospitaliers estiment que les délégués des laboratoires respectent globalement les obligations qui leur sont imposées (à 74% en moyenne), hormis le port d’un badge professionnel dans l’établissement. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par l’Association pour la Qualité de l’Information Médicale[4] (AQIM) en juin 2017 et qui a permis d’évaluer le respect des obligations qui sont désormais imposées aux laboratoires et à leurs délégués médicaux (4).
Ainsi plus de la moitié des médecins hospitaliers (53 %) reçoivent des délégués médicaux moins d’une fois par semaine et 31 % le font « environ une fois par semaine ». Ils ne sont que 8 % à ne jamais voir de DM et 7 % disent le faire « environ un jour sur deux ». Les représentants des laboratoires sont reçus sur des durées variables : 43 % des praticiens hospitaliers (PH) leur consacrent moins d’une heure par mois, 34 % entre 1 et 2 heures, et 23 % plus de 6 heures par mois. Au total, le temps de contact est en moyenne de 2 heures par mois et la caractéristique principale de ces contacts est qu’ils baissent dans le temps : si 33 % des praticiens considèrent que le temps consacré à l’information délivrée par les laboratoires est stable, 59 % estiment qu’il a baissé (dont 37% fortement). A l’inverse, ils ne sont que 8 % à affirmer que ce temps a augmenté fortement ou légèrement. Sur la durée impartie à la visite médicale, 98 % des médecins hospitaliers disent recevoir des visiteurs médicaux et 55 % des directeurs régionaux. 13 % confient recevoir des MSL (médical science liaison) et 10 % des représentants de la direction marketing.
Sur le respect des nouvelles règles, les PH se disent globalement satisfaits de la manière dont s’identifient leurs interlocuteurs de la VM (68 % estiment que la règle est « toujours » ou « très souvent » respectée). Ils considèrent majoritairement que l’organisation préalable de la visite du DM est respectée (72 %), tout comme le sont les règles de circulation dans l’établissement hospitalier (79 %). Ils observent cependant que le port du badge professionnel à l’intérieur de l’établissement relève d’une règle peu ou jamais respectée (à 70 %). Enfin, les praticiens hospitaliers considèrent dans leur immense majorité que ces règles sont utiles, à l’exception de celle précité du port d’un badge.
Enfin, au regard de la somme d’informations qui doivent être systématiquement données par un DM lors d’une visite médicale, les PH placent au premier rang l’information sur les indications thérapeutiques (84 %), suivie de celle sur les modalités d’administration ou d’utilisation du produit (79 %) et enfin de celle sur la remise du RCP ou de la fiche posologie (64 %). 66 % estiment que l’obligation faite au DM de replacer le produit dans la stratégie thérapeutique est respectée, tout comme 64 % confirment que la présentations des recommandations officielles est bien réalisée. Enfin, ils plébiscitent pour une très large majorité (80 %) l’utilité de toutes les informations qui doivent leur être transmises durant la visite médicale (cf. Tableau 4).
« Si leurs visiteurs médicaux sont non seulement utiles, mais plus que jamais nécessaires pour accompagner les professionnels de la santé, il importe surtout que les messages qu’ils délivrent s’appuient sur une méthodologie rigoureuse, qui garantisse une information loyale et conforme au bon usage du médicament que doivent en faire les prescripteurs, commente dans ce registre Marie-Noëlle Nayel, présidente de l’AQIM. Seule cette ligne de conduite assurera l’avenir de la visite médicale et de sa qualité. »
Jean-Jacques Cristofari
(1) Etude fiscalité PwC Société d’Avocats, « Une instabilité fiscale qui nuit gravement à l’attractivité », communiqué LEEM du 14 sept. 2017[5]
(2) « Référentiel de certification de l’activité d’information par démarchage ou prospection visant à la promotion des médicaments[6] », HAS, mars 2017
(3) CEPS, rapport d’activité 2016[7], publié en décembre 2017.
(4) Matinale de l’AQIM, « Bilan sur l’information médicale diffusée par l’industrie pharmaceutique en milieu hospitalier. » Principaux résultats de l’étude Internet menée du 29 mai au 3 juin 2017 sur un échantillon de 2197 médecins, juin 2017
Le prochain CSIS, qui devrait se tenir en juillet prochain, devra inscrire dans ses travaux le thème de la promotion et du développement de la filière des bioproductions. C’est ce que souhaite le LEEM, qui estime que la production de médicaments de thérapies géniques et cellulaires pour certains cancers et maladies rares s’avère être un levier compétitif indispensable pour revaloriser la production pharmaceutique du territoire français.
La France dispose d’un solide tissu industriel dans le médicament avec 32 sites de bioproduction, qui représentent plus de 8 463 emplois directs, soit 19 % des emplois de la production pharmaceutique et 8,6 % de l’emploi total du secteur. Une récente cartographie de la filière, réalisée par AEC partners pour le LEEM démontre une concentration des sites en région Rhône-Alpes et dans le bassin francilien. 9 des 32 sites de bioproduction prévoient des extensions et pour 3 d’entre eux des créations de sites ou d’unités de bioproduction dans les années à venir, soit près de 1 000 nouveaux emplois dans les cinq années à venir. Près du tiers des sites de bioproduction produisant en propre (hors sous-traitant) ont une activité de production de vaccins. Quatre sites produisant uniquement des vaccins en propre (Sanofi Pasteur à Marcy l’Etoile, Neuville-sur-Saône et Val de Reuil, et Mérial à Saint-Priest) représentent 4 693 emplois soit 63 % des emplois de la bioproduction en France.
Reste que la France peine toujours à se positionner par rapport à ses principaux rivaux européens et mondiaux pour la production de médicaments biologiques. Depuis 2012, seuls deux biomédicaments (hors vaccins et biosimilaires) ayant reçu une AMM européenne ont été fabriqués en France.
La France, avec ce faible ratio, se trouve loin derrière les Etats-Unis impliqués dans la production de près de la moitié des substances actives biologiques autorisées par l’EMA entre 2012 et 2016 (37 sur les 76 autorisées). Avec actuellement 191 produits de thérapies cellulaires et géniques en phases cliniques en Europe, la production de ceux-ci constitue pour l’avenir un enjeu stratégique pour la France.
« Alors que nos voisins européens ont pris le chemin de la cohérence productive, de l’intelligence compétitive, de l’équilibre territorial, nous en sommes encore à rassembler les pièces éparses du puzzle français de la bioproduction, indique Patrick Errard. « Le prochain CSIS, la nouvelle stratégie de santé sans oublier le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) – doivent être de précieuses caisses de résonnance pour porter auprès des plus hautes sphères de l’Etat le sujet central car stratégique de la bioproduction en France. Et repositionner durablement la France dans le concert des nations innovantes », ajoute le président du Leem.
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