by Jean Jacques Cristofari | 2 juillet 2011 11 h 06 min
[singlepic id=244 w=320 h=240 float=left]Le scandale du Médiator a dévoilé l’efficacité relative de l’Afssaps en matière de pharmacovigilance, de conflit d’intérêt et a révélé son manque de réactivité. Ces manquements semblent se retrouver une fois encore dans la gestion d’un médicament générique substitué à un princeps.
Lors du colloque Adelf-Afcro’s[1] du 26 et 27 mai 2011, une communication du Pr Jacques Rottembourg, néphrologue à l’hôpital de la Pitié Salpétrière à Paris, met, une nouvelle fois, en lumière l’inertie des autorités de santé et l’absurdité de décisions basées sur des considérations économiques en matière de soins. Elle questionne aussi notablement sur le dogme qui affirme que l’utilisation d’un générique est équivalente à celle du princeps au motif qu’ils sont bioéquivalents. Les médicaments antiépileptiques ont déjà donné lieu à un débat international, assez vite éteint en France par l’Afssaps, de façon assez peu compréhensible. Les faits scientifiques suivants illustrent comment le système de substitution d’un médicament princeps par un générique peut devenir une aberration dangereuse dans un centre d’hémodialyse (rein artificiel).
Changement de fer : en théorie une belle affaire…
[singlepic id=245 w=100 h=90 float=right]Les patients en hémodialyse chronique ont le plus souvent une anémie. Ils sont traités pour cela par un agent stimulant l’érythropoïèse (de l’EPO) et du fer intraveineux. Depuis des années, dans l’unité du Pr Rottembourg (photo), une EPO associée à du fer sucrose sont utilisés avec des résultats cliniques satisfaisants. En juin 2009, les financiers de l’hôpital décident pour faire des économies, de changer de fer et d’utiliser un fer moins coûteux le Fer Mylan®. L’initiative est louable puisque a priori on peut penser que les deux fers sont substituables, puisqu’il le Fer Mylan a reçu son autorisation de l’Afssaps. Malheureusement, pour les malades, il n’en est rien ! Car il faut augmenter les doses d’EPO et de fer pour obtenir les mêmes résultats que le traitement utilisé jusqu’alors pour combattre l’anémie. Il faut utiliser 35 % de fer supplémentaire pour aboutir au même résultat qu’avec le fer utilisé avant la substitution. En outre, il est nécessaire d’utiliser davantage d’EPO + 12,5 %. Et même avec ses doses supplémentaires, les résultats ne sont pas optimaux. Résultats qui ont fait l’objet d’une étude comparant l’utilisation de l’ancien traitement et du fer de substitution qui a été publié en 2011 dans une des meilleures revues internationales en néphrologie (1).
…en pratique, une très mauvaise affaire
L’équipe du service de dialyse a évalué l’impact financier de la substitution du fer qui avait été décidée pour faire des économies. Le résultat obtenu aboutit au contraire de celui recherché. Le coût de l’utilisation cumulative du fer est augmenté 6 % et celui de l’EPO de 12,5 %. Au total, le coût de la substitution augmente les coûts de traitement de l’anémie de 12 %. Pour chaque patient le coût de la substitution est de 368 euros par an. Par ailleurs, le temps d’hospitalisation des malades avec le fer substitué a été doublé par rapport au fer habituellement utilisé. L’étude économique n’a pas été réalisée sur ce critère.
Silence radio de l’Afssaps !
[singlepic id=248 w=320 h=240 float=left]Le Pr Rottembourg, dans un premier temps, a informé l’Afssaps du problème lié au Fer Mylan. Puis il adressé au Pr Philippe Lechat (photo), directeur de l’évaluation des médicaments et des produits biologiques de l’Afssaps[2], les résultats de l’étude publiée (1) en mars 2011. Mais celui-ci ne lui a pas encore répondu mi juin 2011, alors que des sources internes à l’Afssaps déclarent qu’il a bien reçu le courrier. Le Pr Rottembourg a également demandé au laboratoire Mylan comment son fer était fabriqué. Il en ressort que la moindre efficacité du fer générique est dûe à une qualité de fabrication différente, ce qui aboutit probablement à une stabilité inférieure du fer générique par rapport au princeps. Quoi qu’il en soit, ce fer ne peut plus être considéré comme un équivalent de Venofer®. Car selon la Cour de Justice de la communauté européenne (CJCE 1998), il existe « des différences significatives par rapport à la spécialité originale en ce qui concerne la sécurité ou l’efficacité ». Pourtant à l’heure actuelle, sa commercialisation continue comme si de rien n’était. Qu’en est-il des autres fers injectables ? Des études apparaissent nécessaires.
Les génériques, drôle d’affaires
Ce problème posé par la différence d’efficacité entre deux produits théoriquement identiques sur le papier, mais différents en pratique clinique, en soulève un autre relatif à l’utilisation des génériques en général, c’est-à-dire un énorme problème économique que beaucoup n’aimeraient pas voir émerger. Ce n’est pas la première fois que la question se trouve posée : les antiépileptiques ont été l’objet d’une première alerte et bientôt, explique le Pr Rottembourg, un médicament générique anti-rejet pourrait étayer le dossier.
N’oublions pas que la directive européenne 65/65/CEE[3] concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques a été rédigé avec comme « objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique; considérant toutefois que ce but doit être atteint par des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l’industrie pharmaceutique et les échanges de produits pharmaceutiques au sein de la Communauté. » Santé publique et système économique peuvent à l’évidence présenter des incompatibilités.
[singlepic id=247 w=320 h=240 float=left]La transparence souhaitée par le ministère de la Santé et par le directeur de l’Afssaps n’est pas au rendez-vous : interrogé à maintes reprises le laboratoire Mylan, présidé en France par Didier Barret (photo), ne répond pas aux questions itératives posées à propos de son produit.
Emile Courtin
1) Rottembourg J et coll. Do two intravenous iron sucrose preparations have the same efficacy ? Nephrol Dial Transplant (2011) 0: 1–6
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Le fer Mylan est il un générique ?
D’après la base de données des médicaments, il ne fait pas partie des génériques. C’est un médicament soumis à prescription hospitalière, selon le JORF n° 0017 du 21 janvier 2010, page 1333 texte n° 111. Il s’agit d’un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs et la même forme pharmaceutique que le médicament original. Pour obtenir l’AMM, les études de bioéquivalence ne sont pas obligatoires, comme le précise la directive européenne (directive 87/21/CEE)
Le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais pharmacologiques et toxicologiques ni les résultats des essais cliniques s’il peut démontrer :
a) soit que la spécialité pharmaceutique est essentiellement similaire à un produit autorisé dans le pays concerné par la demande et que la personne responsable de la mise sur le marché de la spécialité originale a consenti qu’il soit fait recours en vue de l’examen de la présente demande, à la documentation pharmacologique, toxicologique ou clinique figurant au dossier de la spécialité originale.
b) soit, par référence détaillée à la littérature scientifique publiée, présentée conformément à l’article 1er paragraphe 2 de la directive 75/318/CEE, que le ou les composants de la spécialité pharmaceutique sont d’un usage médical bien établi et présentent une efficacité reconnue ainsi qu’un niveau acceptable de sécurité
c) soit que la spécialité pharmaceutique est essentiellement similaire à un produit autorisé, selon les dispositions communautaires en vigueur, depuis au moins six ans dans la Communauté européenne et commercialisé dans l’État Membre concerné par la demande.
Source URL: https://pharmanalyses.fr/generique-contre-princeps-le-fer-ne-fait-pas-laffaire/
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