by Jean Jacques Cristofari | 4 mai 2012 18 h 16 min
[singlepic id=477 w=320 h=240 float=left]Le 1er mai dernier, conformément à la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé du 29 décembre 2011, l’Afssaps a changé de nom. Elle est devenue l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), que dirige le Pr Dominique Maraninchi. Ce dernier revient sur les récentes polémiques[1] qui ont affecté les génériques – leur qualité – ainsi que sur la question soulevée par le Pr. Rottembourg [2]de la substitution d’un fer intraveineux par un générique de Mylan lors du traitement de patients en hémodialyse chronique
Un rapport d’activité annuel de l’Afsapps[3] de 2010, indique en page 65, qu’en 2010, il n’y a eu qu’une seule inspection à l’étranger des matières premières. Un autre, dénommé « indicateurs activité[4] » note page 44 que 9,5 % des matières premières ne sont pas conformes. Quand on sait que 80 % des matières premières pharmaceutiques viennent d’Inde et de Chine (cf. tableau ci-dessous), avez-vous les moyens de faire ces inspections et de contrôler les matières premières ?
[singlepic id=478 w=160 h=120 float=left]Dominique Maraninchi : Nous parlons d’une problématique complexe. La circulation des matières 1ères se fait à l’échelon mondial, que ce soit pour les princeps ou pour les génériques. La production de ces matières premières, qui se fait dans divers pays dont l’Inde ou les Etats-Unis, mérite d’être remise en question régulièrement. Dans nos programmes d’inspection, nous avons une spécialisation d’inspection sur les matières premières, qui ne couvre évidemment pas toutes les matières premières, et les non conformités que nous observons, nous les observons possiblement avec toutes les qualités de matières premières, qu’elles soient utilisées pour un princeps ou pour un générique.
L’inspection et les contrôles des matières premières pour les produits pharmaceutiques se déroulent évidemment à l’échelle mondiale, quand cela est possible avec plusieurs corps d’inspection, venant de divers pays. Le fait qu’il y ait des déplacements vers l’Inde et la Chine de l’industrie pharmaceutique, des matières premières à la confection de produits, rajoute une dimension, mais qui n’est pas forcément toujours mauvaise sur le plan qualitatif. On l’a vu récemment sur un produit qui peut paraître marginal, les prothèses dentaires. Les plus grands volumes de prothèses se font en Asie, et pour ceux que nous avons inspectés, ils sont plutôt de meilleure qualité que certaines productions artisanales européennes.
Sur les matières premières : bien sûr, on ne contrôle pas toutes les matières premières, ni en génériques, ni en princeps. Et comme vous le savez, le problème d’une inspection, c’est sa répétition, son caractère aléatoire. On observe des non-conformités, bien évidemment, et on les rend publiques. Elles sont souvent suivies d’effets, c’est-à-dire de sanctions…
75 % des sanctions concernent deux pays producteurs que sont la Chine et l’Inde.
On fait là une extrapolation un peu rapide. Une matière première n’est pas un produit fini. Dans nos programmes d’inspection, on contrôle aussi l’établissement, les produits finis et c’est la pluralité de programmes d’inspection qui porte, je le répète, sur les produits princeps et sur les produits génériques. Il ne vous a pas échappé aussi que toutes les grandes compagnies ont toutes des lieux de production et d’approvisionnement de matières premières qui sont souvent identiques et qui produisent de temps en temps des princeps et de temps en temps des génériques. Cela facilite la sécurisation des processus d’inspection. Quant au comparatif entre les pays, nous nous apercevons que même dans notre pays ou sur le continent américain, il peut y avoir des dysfonctionnements…
Compte tenu du nombre de sites – producteurs de génériques ou de princeps – à inspecter avez-vous les moyens financiers et en personnel de mener suffisamment d’inspections pour améliorer encore plus le niveau de qualité ?
Le niveau de sécurisation sur les produits se fait à plusieurs niveaux. Aux niveaux des matières premières, du site de production, du contrôle de la qualité du produit fini. Il se fait aussi au niveau de la régularité du signalement et de l’inspection. On inspecte aussi le système de vigilance et le système de procédure des délivrances. Les systèmes d’inspection et de contrôle sont faits de façon périodique.
Envisagez-vous de faire, comme pour les autres médicaments, des surveillances post-marketing des génériques ?
Oui, et nous le pratiquons. Notre responsabilité est de garantir la qualité et la sécurité des médicaments. Cela vaut pour tous les médicaments, qu’ils soient génériques ou non. Une fois qu’ils sont commercialisés, nous disposons d’un système de pharmacovigilance pour tous les médicaments, à partir de remontées de signalements provenant d’un produit ou d’un principe actif, quelle que soit la marque.
Sur la question du fer Mylan®, autorisé par l’Afssaps, un signalement a été fait par le Pr. Rottembourg. Depuis deux ans que l’Afssaps a été alertée, rien n’a été fait. Pourquoi ?
Dominique Maraninchi : Nous sommes bien sûr au courant de cette étude, qui est importante mais qui doit être remise dans son juste contexte. Il s’agit d’inégalités de tolérance entre les fers injectables disponibles…
Non pas de « « tolérance », mais d’efficacité !
Dans cette étude, il s’agit d’efficacité et nous avons aussi des observations sur des inégalités de tolérance entre les divers fers injectables. La relation bénéfice / risque est un rapport entre l’efficacité et la tolérance dans un contexte scientifique. Le contexte mentionné est celui des malades sous EPO en insuffisance rénale sous hémodialyse. C’est la principale indication des fers injectables. Monsieur Rottembourg, dans son étude, mentionne à juste titre, que la substitution entre différents fers injectables, faite par les pharmaciens hospitaliers, est nuisible et dangereuse. Dont acte. Mais nous n’avons jamais recommandé la substitution et ces médicaments ne sont pas stricto sensu des génériques. Il faut certes faire attention avant de substituer le produit, et notamment dans certaines pathologies, sur lesquelles la tolérance d’un produit injecté par hémodialyse peut varier. Il ne faut en tout cas surtout pas le faire pour des raisons économiques.
C’est bien ce qui a été fait à l’insu des médecins ! La même chose a été faite avec des copies de produits anti-rejet. Pourquoi n’avertit-on pas les médecins de ces pratiques ?
Nous ne sommes pas les arbitres des relations entre médecins et pharmaciens hospitaliers.
Certes, mais pourquoi ne pas dire que tous les fers ne sont pas équivalents et que certains fers sont moins stables dans l’organisme ?
Ce sujet est traité et nous sommes en train de faire la réévaluation du bénéfice et des risques de tous les fers injectables. C’est déclenché au niveau européen, c’est en cours d’instruction et la relation bénéfice risque peut déboucher sur des suspensions, sur des modifications des résumés des caractéristiques de tous les produits ou d’un seul, et de leur harmonisation. Ce processus, en dehors de l’alerte même de notre collègue, est en cours pour tous les fers.
Quant à la question de la substitution d’un produit par un autre dans les hôpitaux, il est d’une autre nature. Manifestement, le dialogue passe mal entre les médecins et les pharmaciens. Ce sujet n’est pas exclusivement de l’autorité de l’Afssaps. La question de la substitution fait l’objet de débats au sein de l’AP-HP.
Propos recueillis par Emmanuel Cuzin
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« 80% des substances actives utilisées en Europe sont fabriquées hors de l’Espace économique européen » (EMA)
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(cliquer sur le tableau pour l’agrandir)
(Source : ProConseil : Comprendre et identifier les coûts complets et les risques associés au Sourcing des Principes actifs (API) dans les pays émergents : Chine et Inde »]
Source URL: https://pharmanalyses.fr/dominique-maraninchi-directeur-de-l%e2%80%99ansm-%c2%abla-production-des-matieres-1eres-pharmaceutiques-merite-detre-remise-en-question/
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