by Jean Jacques Cristofari | 18 décembre 2013 1 h 04 min
[singlepic id=858 w=300 h=220 float=left]Le contrat d’accès aux soins (CAS), dispositif central de l’avenant 8 de la convention de juillet 2011 entre l’assurance-maladie et les médecins, est ouvert depuis début décembre. Il vise à contenir les dépassements d’honoraires dans des limites acceptables pour les assurés sociaux. Le principal syndicat de médecins, la CSMF, y voit une « étape historique dans l’accès aux soins ». D’autres considèrent qu’il s’agit d’un simple point de départ d’une disposition visant à mieux réguler les dépassements d’honoraires des médecins en secteur 2, qui coûtent 2,5 milliards par an aux patients et à leurs mutuelles. Les associations de patients demeurent dubitatives et attendent des preuves que le système mis en place pourra vraiment fonctionner au bénéfice des patients. L’assurance-maladie y voit pour l’heure surtout un moyen de mettre au pas les « gros dépasseurs ». Le secteur 2 à encore de beaux jours devant lui.
Obtenu fin 2012 sous la pression du ministère de la Santé, au terme de longues négociations, le contrat d’accès aux soins (CAS) devait initialement démarrer en juillet dernier. Faute d’un nombre suffisant de « volontaires » – le syndicat des médecins libéraux, majoritairement en secteur 2, bien que signataire de l’accord, ayant refusé de faire la publicité du dispositif -, l’objectif fut repoussé au 1er octobre, puis au 1er décembre, grâce à la publication in extremis, fin novembre, d’un avenant à la convention prévoyant la suppression pure et simple du « seuil » d’un tiers des 24 600 médecins éligibles pour ouvrir ce contrat.
Ce qui devait traduire la volonté gouvernementale d’encadrer, sinon de réguler – voire de réduire significativement – les dépassements d’honoraires – soit 2,5 milliards de restes à charges des patients et de leurs mutuelles – n’aura été qu’un long chemin de Damas d’une durée de 12 mois pour rassembler une poignée de praticiens (1), essentiellement en secteur à honoraires libres, disposés à limiter leurs dépassements, entendu leur revenus. La CSMF, principal syndicat polycatégoriel de médecins, aura volontiers salué à son propos « l’esprit de responsabilité et de solidarité de ces médecins qui se sont engagés volontairement à modérer leurs compléments d’honoraires. » Il est vrai que le boulet d’une suppression pure et simple du secteur 2 était déjà engagé dans le canon des éventuelles représailles gouvernementales. Le président de la CSMF, Michel Chassang, ainsi que le Dr Jean-François Rey, président de l’UMESPE, la branche des spécialistes de la Confédération, se sont à cet égard montrés suffisamment constructifs, conscient que la menace de réguler le secteur 2 par une voie réglementaire pouvait s’imposer. Selon l’assurance-maladie, ils étaient donc 9 746 en ce début décembre, regroupant des spécialistes de secteur 2 mais également des médecins en honoraires conventionnels stricts (2), à accepter de s’engagent à limiter les restes à charge des patients en échange d’une prise en charge de leurs cotisations sociales sur la part de leur activité réalisée en tarif opposable.(2)
La balle dans le camp des complémentaires
Mais tout accord doit avoir sa contrepartie et ici elle ne concerne pas uniquement le paiement par la Sécu des cotisations des praticiens. Le principal promoteur de l’accord souhaite aller plus loin et demande au gouvernement que les contrats responsables des complémentaires – dont le contenu doit être revu par décret – s’engagent « au minimum à prendre en charge les compléments d’honoraires des médecins signataires du CAS sans contrainte supplémentaire. » Car désormais, la base de remboursement pour un patient qui consulte un spécialiste signataire de ce contrat passe de 23 à 28 euros. Le reste à charge devra être assumé par sa complémentaire santé, s’il en a une !
Plus encore, la CSMF espère que les associations de patients contribueront à la promotion de ce contrat auprès des patients et qu’elles l’accompagneront « par une communication positive ». [singlepic id=859 w=320 h=220 float=right]Le même syndicat a fait réaliser une affiche (photo), mise à la disposition des médecins signataires du CAS afin qu’ils puissent informer leur patientèle qu’ils se sont engagés dans l’accès aux soins. L’affiche précise ainsi : « votre médecin a signé un contrat d’accès aux soins », et ajoute plus bas : « votre médecin vous facilite l’accès aux soins. Ce qui signifie que votre médecin modère ses compléments d’honoraires et que vos soins seront mieux remboursés, par la sécurité sociale et par votre complémentaire santé pour qu’il ne vous reste rien à charge ». L’affiche publicitaire ne précise cependant pas que le médecin en question est conventionné en honoraires libres. Pas plus qu’elle ne précise que les gros dépasseurs (335 selon la CNAM) n’ont pas signé le CAS et que ce dernier aura in fine aussi pour effet d’augmenter les restes à charges des patients !
Car de leur côté, les associations de consommateurs ont, dès le mois de septembre, dénoncé ce nouveau contrat d’accès aux soins, en indiquant qu’avant même son entrée en vigueur, plus d’un médecin sur dix avait augmenté ses tarifs d’au moins 5 euros par consultation, pour majorer ses revenus futurs. « Au mieux, précise le Collectif Interassociatif sur la santé (CISS) le contrat d’accès aux soins permettra de réguler les dépassements d’honoraires en moyenne globale. Mais il ne résoudra pas les problèmes d’accès aux soins que posent les dépassements d’honoraires aux usagers ne bénéficiant pas des dispositifs d’exonération (CMU-c et ACS), c’est-à-dire à la plus grande partie des usagers ». 177 médecins ont facturé des compléments à des bénéficiaires de la CMU-C en 2012. Sur le nombre total de signataires du CAS figurent 2700 praticiens de secteur 1, censés respecter les tarifs de la Sécu, à propos desquels le patron de l’assurance-maladie dira : » En ouvrant le contrat aux secteurs I titrés, nous mettons fin à une certaine iniquité entre professionnels… « . Grâce à ce nouveau dispositif, ils pourront à leur tour pratiquer des dépassements. Le bonheur des uns ne fait pas nécessairement celui des autres.
Jean-Jacques Cristofari
(1) 73 % de médecins spécialistes, 18 % de médecins généralistes et 8 % de médecins à exercices particulier. « Nous comptons un peu plus de 7 000 praticiens de secteur II et à peu près 2 700 médecins titrés de secteur I » dira à ce sujet le patron de la CNAM, Frédéric Van Roekeghem, en précisant que « environ 2 000 praticiens sur plateaux techniques lourds se sont engagés (chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes), soit environ un quart des effectifs éligibles dans ces spécialités. »
(2) En moyenne, les médecins qui ont souscrit s’engagent à réaliser 45 % de leurs actes au tarif opposable et à respecter un taux de dépassement moyen de 30 % environ du tarif opposable.
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[singlepic id=860 w=320 h=240 float=left]Santé dans le monde : un cinquième des dépenses sont à charge des patients
Comme chaque année, l’OCDE nous a livré « son état de la santé » dans le monde (1) en sept chapitres qui passent en revue les personnels et service de santé des principaux pays de la planète (34 au total), les qualité et accès aux soins dans ces derniers, les dépenses qu’ils consacrent à la santé des population, en particulier aux vieillissement et soins de longue durée. L’OCDE précise qu’en moyenne, 20 % des dépenses de santé sont pris en charge directement par les patients, mais dans des proportions qui vont de moins de 10 % aux Pays-Bas et en France à plus de 35 % au Chili, en Corée et au Mexique. Elle nous explique que la part des dépenses de santé restant à la charge des patients crée des obstacles à l’accès aux soins dans certains pays. En 2011, dans l’ensemble de l’OCDE, environ 19 % des dépenses médicales à la charge des patients concernaient les soins dentaires (16 % en France), et 12 % les lunettes, les prothèses auditives et autres dispositifs thérapeutiques (14 % en France).
En 2011, les dépenses de santé représentaient en moyenne 9,3 % du PIB dans les pays de l’OCDE, contre 9,4 % en 2010. Avec 17,7 % de leur PIB consacré à la santé, les Etats-Unis sont de loin en tête du peloton, loin devant la France (11,6 %) et très loin devant la Chine et l’Inde (respectivement 5,2 % et 3,9 %). « Dans la mesure où la part de la population active devrait diminuer, le vieillissement de la population aura également une incidence sur le financement des systèmes de protection sociale et sur l’offre potentielle de main-d’oeuvre dans l’économie », note encore le rapport.
(1) Panorama de la santé 2013, Les indicateurs de l’OCDE[1], Éditions OCDE.
Source URL: https://pharmanalyses.fr/contrat-dacces-aux-soins-9746-signataires-pour-un-pari-impossible/
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