Agnès Buzyn, La ministre des Solidarités et de la Santé a ouvert le 9 mars dernier le chantier de la transformation du système de santé. Elle a lancé à cet effet de vastes consultations qui doivent aboutir à des premières orientations à la fin du mois de mai prochain. Cinq grands chantiers sont sur la table des experts invités à consulter les acteurs du terrain. 100 millions d’euros ont été dégagés à cet effet.
Le 9 mars n’est pas seulement la date d’anniversaire du mariage de Napoléon Bonaparte avec Joséphine de Beauharnais (en 1796). Il marque cette année la date du lancement de cinq chantiers visant à transformer notre système de santé. Le terme de « transformation » a été préféré à celui de « réforme », tant il apparaît désormais nécessaire aux yeux du gouvernement Philippe d’engager un véritable reengeneering de notre système de santé à différents étages de son architecture existante. Mieux organiser la santé semble être devenu la priorité des priorités !
Cinq chantiers ont donc été arrêtés (1) à cet effet, chacun étant conduit par des pilotes, nommés par le Pr. Agnès Buzyn et chargés de coordonner les consultations qui seront menées sur les deux mois à venir : qualité de soins et pertinence des actes, modes de financement, numérique, ressources humaines et formation, organisation territoriale.
Le gouvernement d’Edouard Philippe vient ainsi de lancer la 13è réforme du système de santé[1] que la France aura engagée depuis la loi Boulin du 31 décembre 1970. La dernière loi de modernisation de notre système de santé du 27 janvier 2016 n’aura pas encore produit ses effets que le nouveau gouvernement veut provoquer un électrochoc qui ne soit pas seulement institutionnel mais organisationnel. « Nous devons adapter notre système de santé aux impératifs de notre temps », a souligné la ministre de la santé en ouverture des travaux. Les dépenses de santé, avec 11 % du PIB, nous placent au 5è rang des pays de l’OCDE. Mais en face les performances n’y sont pas. Pour exemple, si la France est le 2è pays de la zone OCDE pour son espérance de vie à 65 ans, avec 21,5 ans en moyenne, elle ne se situe qu’au 9è rang européen pour l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans, avec un moyenne à peine supérieure à 10 ans.
Pour justifier cette nouvelle réforme de la santé, Agnès Buzyn s’appuie sur les faiblesses de ce dernier, qu’elle estime au nombre de quatre : de trop faibles investissements dans la prévention, un cloisonnement encore marqué entre la ville et l’hôpital, une dispersion des ressources et enfin un déséquilibre structurel du système marqué par trop d’hospitalisation mais aussi par des soins de ville mal organisés. Toutes choses maintes fois dénoncées dans de nombreux rapports passés sur notre système de soins. Il faut donc désormais « réinterroger » le système dans son entier et associer l’ensemble des acteurs au plan de transformation. Car les difficultés d’accès aux soins dans certains territoires sont patentes. Un plan, annoncé le 13 octobre dernier, devrait permettre de répondre à ce problème.
A bout de souffle
La ministre en appelle à « une transformation globale, cohérente et méthodique » de la santé en France, « pour passer d’un système cloisonné, fondé sur les soins curatifs, tarifés à l’activité, une course au volume et une régulation budgétaire, à un système davantage tourné vers le parcours du patient, le financement de la prévention, la coordination des acteurs et des secteurs – médical et médico-social –, la qualité des soins et la pertinence des actes ». « Nous sommes arrivés au bout d’un système qui nuit maintenant à la qualité du service rendu à nos concitoyens », a affirmé Agnès Buzyn, qui n’affiche pas pour objectif de faire des économies, « mais de voir comment, avec les mêmes dépenses, on peut augmenter la qualité de vie des Français ».
Le législateur ne sera donc pas saisi comme dans le passé avec la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) de 2009 qui aura mobilisé deux années durant tout ce que le système de santé compte comme acteurs pour dégager une réforme en profondeur de la gouvernance de la santé. Cette fois, des « experts » ont été désignés par la ministre pour consulter « les acteurs de terrain » – professionnels de santé de ville, de l’hôpital, du médico-social, du public et du privé, représentants des usagers – en vue de « capitaliser sur l’existant et les réflexions en cours pour les intégrer dans une vision globale, ouverte et prospective ».
La feuille de route de chaque consultation a clairement été fixée. 100 millions ont été mis sur la table pour accompagner cette transformation, hors ONDAM. Les pilotes ont deux mois pour livrer les conclusions de leurs consultations. La transformation a démarré au pas de charge. Il reste à espérer que la montagne n’accouche pas d’une souris.
Jean-Jacques Cristofari
(1) Les 5 chantiers de la transformation :
1) « Inscrire la qualité et la pertinence des soins au coeur des organisation et des pratiques » : la Haute autorité de santé devra proposer, dès cette année, des indicateurs de qualité des parcours qui portent sur les dix pathologies les plus fréquentes. Des actions devront être proposées pour améliorer, dans les pratiques, la pertinence des soins.
2) « Repenser les modes de rémunération, de financement et de régulation« . Objectif : concevoir une réforme en profondeur de la tarification des soins, quel que soit le secteur : ville, hôpital, médico-social. Une task-force dédiée à la réforme du financement du système sera créée auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé. Elle sera animée par Jean-Marc Aubert, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Elle proposera d’ici la fin de l’année des modèles de financement nouveaux, « centrés sur
les attentes et les intérêts des patients : prise en charge des maladies chroniques, construction d’un vrai parcours de santé, prévention et bien sûr qualité. » Avant l’été, la ministre de la Santé devra formuler des propositions pour améliorer la régulation de l’ONDAM et notamment de l’ONDAM « soins de ville » en lien avec l’assurance maladie et en concertation avec les professionnels de santé.
(3) « Accélérer le virage numérique » : d’ici 2022, chaque patient devra pouvoir accéder en ligne à ses données médicale, l’intégralité des prescriptions sera dématérialisée et le partage des informations entre tous les professionnels de santé sera simplifié. A cet effet, une mission « E-santé » sera créée. Elle coordonnera donc l’ensemble des actions conduites en matière de numérique en santé, dont le dossier médical partagé (D.M.P.), piloté par la CNAMTS et dont le déploiement généralisé doit commencer en 2018. » La télémédecine est entrée dans le droit commun en 2018 et a vocation à devenir une activité soignante à part entière ».
4) « Adapter les formations et les ressources humaines aux enjeux du système de santé« . Un observatoire national de la qualité de vie au travail des professionnels de santé sera mis en place. Il devra dresser un état des lieux, collecter des données et formuler, avant la fin de l’année, des propositions d’amélioration.
5) « Repenser l’organisation territoriale des soins » : en structurant les soins de ville (organiser la continuité des soins, organiser l’accès
en premier recours à un généraliste ou à un spécialiste, organiser la coordination avec le secteur médico-social), en tissant des liens entre les soins de ville et l’hôpital; en lançant des expérimentations territoriales; en travaillant sur « la gradation des soins ». « Dès cette année les tarifs hospitaliers intégreront une forte incitation à la médecine ambulatoire ». Une vaste mission de simplification, qui concernera l’ensemble des acteurs de la santé, sera lancée au premier trimestre 2018.