Vaccins anti-Covid 19 : la course aux dividendes est également engagée

by Jean Jacques Cristofari | 16 novembre 2020 16 h 27 min

Les annonces d’un futur vaccin contre la Covid-19 suscitent des espoirs dans les rangs de la communauté internationale. Elles entraînent également quelques belles prises de bénéfices qui ne grandissent pas la réputation de la branche pharmaceutique. Les annonces se sont multipliées cette semaine.

Le jour même où le leader mondial de la pharma, l’américain Pfizer annonce que son futur vaccin était efficace à 90%, selon des données préliminaires, son directeur général Albert Bourla vend pour 5,6 millions de dollars de titres. Rien d’illégal, annonce le laboratoire. Pour autant, cette manière de rafler la mise n’aura pas manquer de choquer l’opinion publique et de contribuer à affecter la réputation d’une branche régulièrement accusée de « faire du fric » sur le dos des malades.

La pratique a été la même dans les rangs de Moderna, société qui n’a lancé aucun produit sur le marché depuis sa création en 2010, mais pour laquelle le gouvernement s’est engagé à lui verser jusqu’à 2,5 milliards de dollars dans le cas où son vaccin serait validé. Le titre Moderna a ainsi fait un bond de 19 dollars en début d’année à 90 dollars actuellement. Et les dirigeants de la firme en ont profité pour vendre plus d’une centaine de millions de dollars d’actions au cours de ces derniers mois.

Du côté de Novavax, on a assisté à la vente de 4,2 millions de dollars d’actions le 18 août dernier, soit un peu plus d’un mois après l’annonce d’un financement public de 1,6 milliard de dollars. Le titre côte 92,70 dollars le 16 novembre. Il était au plus haut cet été (190 dollars), quand l’administration Trump a accordé le 7 juillet un crédit de 1,6 milliard de dollars dans le cadre du programme de lutte contre le Covid-19, avec l’espoir que le laboratoire pharmaceutique sera en mesure de produire 100 millions de doses d’un éventuel vaccin d’ici janvier.

145 millions de dollars encaissés

Rappelons que l’administration américaine a investi plus de 450 millions de dollars dans un vaccin candidat développé par Johnson & Johnson et 1,2 milliard dans AstraZeneca, qui mène ses recherches en partenariat avec l’université d’Oxford.

L’organisation de défense des contribuables Accountable US – ou Groupe de surveillance de la corruption du gouvernement – a calculé qu’entre le début de l’opération américaine de coordination du développement des vaccins, le 15 mai, et le 31 août, les dirigeants de cinq compagnies pharmaceutiques avaient encaissé plus de 145 millions de dollars en vendant leurs actions. Elle demande une enquête de la SEC [Commission des opérations de Bourse US) sur le dumping des actions du PDG de Pfizer. « Cela semble être un autre exemple de pompe-et-vidage éhonté et de profiteur pandémique flagrant, et porte un regard terrible sur une industrie pharmaceutique qui tente désespérément de réhabiliter son image», a déclaré Eli Zupnick, porte-parole de Accountable Pharma.  »

Spoutnik 5 sur orbite

Alors que les compagnies pharmaceutiques Pfizer et BioNTech annoncent des premiers résultats de leur vaccin précurseur contre la COVID-19 en phase 3 des essais cliniques, en avançant que le candidat-vaccin serait efficace à 90 % (1), une autre société, russe cette fois, fait valoir que le sien serait efficace à 92 %. Il s’agit « Spoutnik V », développé par l’institut de recherche Gamaleïa et actuellement en phase 3 d’essais cliniques. 40 000 volontaires prennent ainsi part à la phase 3 des essais cliniques du Spoutnik V, randomisés et en «double aveugle». sur ce nombre, 16 000 participants ont reçu deux doses de vaccin ou de placebo, dont 20 ont contracté le Covid-19. L’agence Tass rapporte que l’observation de 10 000 volontaires supplémentaires inoculés en dehors des essais cliniques», parmi lesquels des travailleurs médicaux et d’autres groupes dits à risque, ont «confirmé l’efficacité du vaccin à un niveau supérieur à 90%».

Dans cette course à la performance et au vaccin anti-Covid, Moderna Therapeutics vient à son tour d’annoncer lundi 16 novembre que son vaccin anti-Covid-19 est efficace à 94,5 %. Avec un niveau d’efficacité comparable dans la population générale, nous aurions là l’un des vaccins les plus efficaces qui existent, comparable à celui contre la rougeole, efficace à 97% en deux doses, notent les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC). « C’est un moment charnière dans le développement de notre candidat-vaccin contre le Covid-19″ (…), fait savoir le patron Français de Moderna, Stéphane Bancel. Cette analyse intérimaire positive issue de notre essai de phase 3 nous donne les premières indications cliniques que notre vaccin peut prévenir la maladie du Covid-19, y compris la forme grave. » Reste désormais à faire évaluer toutes ces belles promesses par des scientifiques indépendants.

Sanofi sur 2 vaccins candidats

Dernier laboratoire a produire son annonce, Sanofi vient de promettre un vaccin pour le mois de juin. «  Notre objectif est d’obtenir les premiers résultats en décembre. Des données positives devraient nous permettre de lancer un essai de phase III d’ici à la fin de l’année », a déclaré Thomas Triomphe, Vice-Président Exécutif et Responsable Monde de Sanofi Pasteur. Son partenaire dans la recherche, le laboratoire GSK apporte un adjuvant, « c’est-à-dire un ingrédient ajouté au vaccin pour renforcer la réponse immunitaire, réduire la quantité de protéines par dose et améliorer les chances de pouvoir produire un vaccin efficace qui pourra être fabriqué à grande échelle« , note Sanofi. Si les résultats s’avèrent positifs, le groupe lancera les essais de phase 3 sur plusieurs dizaines de milliers de patients. Il faudra cependant attendre le mois de mai pour connaitre les résultats de la phase 3. Le laboratoire ne sait pas encore s’il faudra une ou deux doses pour que le vaccin soit efficace. « L’objectif est d’arriver à la fin 2021 avec un milliard de doses. En 2022 on peut même augmenter la production pour aller au-delà de ce chiffre« , a souligné Olivier Bogillot, président de Sanofi France. Des accords de précommande ont été signés avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et le Canada. Le groupe fournira par ailleurs le mécanisme COVAX, une collaboration dirigée par l’OMS et Gavi-l’Alliance du vaccin dont le but est de garantir à tous les pays du monde un accès juste et équitable aux vaccins contre la COVID-19.

En parallèle, Sanofi indique également vouloir développer un 2è candidat-vaccin contre la COVID-19, en partenariat avec Translate Bio, une entreprise de biotechnologie spécialisée dans le développement d’agents thérapeutiques à ARN messager (ARNm). Des essais cliniques devraient pouvoir débuter en décembre prochain.  

J-J Cristofari

(1) Depuis son annonce initiale, le vaccin candidat est passé à au taux d’efficacité de 95 %. Voir le résumé qu’en fait CNN

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