PLFSS 2012 : Sénat et CISS demandent à revoir la copie du budget

novembre 08 14:49 2011 Imprimer l'article

[singlepic id=341 w=320 h=240 float=left]Avant même que le projet de loi de financement de la Sécu n’arrive en discussion au Sénat ce 7 novembre, les nouveaux locataires du Palais du Luxembourg donnent le ton. Le projet du gouvernement serait « indigent, irresponsable et irréaliste ». Une future crise de communication se prépare entre les deux chambres autour des questions de santé, renforcée par l’impact du plan d’austérité qui vient d’être adopté.  Huit jours à peine après l’arrivée du texte au Sénat, sa nouvelles majorité a renvoyé à l’Assemblée nationale une copie qui ne ressemble en rien au texte initial. Le Collectif interassociatif sur la santé a de son côté emboité  le pas aux sénateurs. Le CISS dénonce de son côté un « bricolage [financier] injuste », déplore la dégradation de la prise en charge des besoins de santé, regrette que la question des recettes soit écartée et en appelle à un large débat public sur l’avenir de la Sécu. Dans la tourmente de la crise économique et sous la pression des impératifs budgétaires nouveaux, le projet de loi devrait encore subir nombre de modifications.

Il faut battre le PLFSS pendant qu’il est chaud ! A peine sorti de l’Assemblée nationale, le projet de budget de la Sécu pour 2012 s’attire les foudres des parlementaires du Sénat. Il est vrai que la chambre haute, qui a récemment basculé dans l’opposition, entend désormais marquer sa différence sur un texte qui engage quelques 179 milliards d’euros de dépenses, mais surtout qui laisse entière la question des déficits qui se sont accumulés au fil des années. Ainsi, celui qui a été retenu pour 2012 – soit -19,4 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base et le Fonds de solidarité vieillesse – apparaît comme « très élevé » au rapporteur PS pour avis de la commission des finances du Sénat, Jean-Pierre Caffet, qui note par ailleurs une « absence de mesures structurelles susceptibles de maîtriser ces déficits dans les années qui viennent. » Il est vrai que « structurellement », aucune mesure n’a vraiment permis de redresser la barre et la remontée du chômage ne favorisera en rien un renversement de tendance. En ligne de mire de la nouvelle majorité du Sénat des hypothèses macro-économiques qualifiées de « très optimistes » et la reprise de dette sans précédent de 130 milliards d’euros adoptée l’an passé (1). Des hypothèses que le gouvernement, à la veille de la tenue du G20 et en pleine crise avec la Grèce, s’est efforcé de corriger, en reconnaissant que la croissance ne dépasserait pas les 1 % en 2012, dans le meilleur des cas. S’en est suivi un 3ème plan de rigueur annuel, sans précédent dans les annales de la 5ème République.

Nouvelles cascades de hausses de taxes

Pour marquer leur différence, les sénateurs de la commission des finances ont d’emblée, avec même la tenue des débats sur le PLFSS 2012 au Palais du Luxembourg, proposé d’annuler le doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, à laquelle devraient être assujettis les contrats de santé « solidaires et responsables » des mutuelles et instituts de prévoyance et qu’il estiment pénalisante pour l’accès aux soins. La mesure initiale de faire passer la taxe à 7 %, avec un rendement attendu de 1,1 milliard d’euros en année pleine, sera remplacée par une hausse de trois points du forfait social qui pèse sur l’épargne salariale, ajoutée à une augmentation de 0,5 point des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

[singlepic id=342 w=150 h=120 float=left]« Si notre projet est adopté, nous ramèneront à 10 milliards le déficit des comptes sociaux, contre 13,9 actuellement dans le texte du gouvernement » assure le rapporteur général de la commission des finances sénatoriale, Yves Daudigny (photo). Dans cet objectif, la commission veut supprimer les exonérations de charges sur les heures supplémentaires inscrites dans l’article 1 de la loi TEPA, adoptée en 2007. Une mesure qui, d’après elle, rapporterait 3,5 milliards d’euros, auxquels s’ajouterait une fiscalité plus importante sur les retraites chapeaux, les stock-options et les parachutes dorés, pour 500 millions d’euros. Le secteur optionnel, inscrit dans la convention signée en juillet entre l’assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux, ne trouve pas davantage grâce aux yeux des sénateurs, qui n’y voient aucunement une solution aux dépassements d’honoraires. Au global, la commission des finances propose de « supprimer les dispositifs qui pénalisent les patients », soit outre la taxe sur les contrats responsables, également la franchise sur les médicaments, le rabotage des indemnités journalières, la convergence tarifaire, le secteur optionnel et enfin la contribution à l’aide juridique pour les procédures sociales. Soit autant de mesures qui ont, en leur temps permis de générer des économies, chiffrées pour chaque PLFSS passé à quelque 2 milliards d’euros.

Rigueur et récession pour garder le Triple A

Ainsi, le jour même du démarrage des débats sénatoriaux sur le budget 2012 de la Sécu, l’Elysée et le gouvernement se sont attelés à la tâche pour présenter aux Français et aux Parlementaires un nouveau plan anti-déficit, l’un des plus rigoureux depuis la naissance de la Sécu en 1945, selon François Fillon, qui entend avant toute chose de préserver le précieux « triple A » de la France. Il faudra donc trouver 6 à 8 milliards supplémentaires pour ramener les déficits publics du pays à 4,5 % en 2012. Un objectif aussi volontariste qu’irréalisable si en parallèle rien n’est vraiment fait au niveau de l’Europe comme de la France pour relancer une machine économique à laquelle vont précisément manquer de précieuses dépenses publiques pour alimenter quelque peu la croissance. Sans compter que les dépenses en consommation des ménages risquent elle aussi de partir à vau l’eau et surtout en direction des livrets d’épargne ! Au bout du tunnel, les R + R [rigueur + Récession] auront été données en réponse au Triple A !

La coupe est pleine[singlepic id=344 w=200 h=150 float=right]

Dans les rangs des associations de malades, la colère est de mise. La FNATH et le CISS regrettent ainsi que « le PLFSS pour 2012 ne comporte aucune mesure structurelle à la hauteur des enjeux économiques nationaux, européens et internationaux » et déplore que le PLFSS pour 2012 « ne prévoit aucune mesure complémentaire propre à réduire le reste à charge des assurés alors que des mesures exogènes ont été adoptées (taxe sur les complémentaires) ou sont en voie de l’être (200 millions d’économie sur les indemnités journalières maladies) qui vont encore fragiliser les malades et les éloigner du système de soins et d’une protection sociale efficace ». opposés dès la première heure à la hausse de la taxe sur les complémentaires, les associations du CISS avancent que « cette stratégie est une non réponse aux besoins des usagers, a fortiori de ceux qui – ils sont 5 millions – ne disposent d’aucune complémentaire santé. » Après la création de la vignette orange, l’augmentation du seuil de déclenchement du forfait de 18 euros, la restriction des conditions de prise en charge des frais de transport des personnes en ALD et le retrait de l’HTA sévère de la liste des ALD, elles estiment que la coupe est pleine et que les recettes prévues par le prochain PLFSS, de nature conjoncturelles, sont « inadaptées à l’ampleur des besoins des assurés et au respect du principe fondamental de l’égalité d’accès aux soins. »

A leurs yeux, un PLFSS qui porte pas moins de 36,4 milliards d’euros d’exonération de cotisations ou de contributions, dont 3,2 milliards d’euros pour les exonérations qui restent à la charge de la sécurité sociale, n’est pas recevable en l’état. Aussi, au terme d’une longue analyse des comptes de la Sécu, le CISS « regrette que la question des recettes soit purement et simplement écartée par le gouvernement qui entend réduire les déficits ». Mais également le rythme d’évolution des dépenses remboursées (l’ONDAM), qui de +2,8 % dans le projet initial débattu à l’Assemblée nationale, devra brutalement passer à 2,5 %, soit une quête d’économies supplémentaires de 500 millions d’euros, dont peu a été dit sur sa répartition parmi les acteurs de santé, hormis que le médicament sera une fois encore de la fête avec de nouvelles baisses des prix à hauteur de 290 millions d’euros. Seule certitude en ce début de semaine : la santé sera à la diète en 2012. Il faudra beaucoup de conviction aux députés pour faire admettre aux Français la nouvelle ordonnance et leur faire avaler la médication.

Jean-Jacques Cristofari

(1) Fin 2011, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), qui a déjà repris depuis sa création en 1996 quelque 260 milliards d’euros de dettes de la Sécu, verra son endettement atteindre 143 milliards d’euros.

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Le PLFSS 2012 revu par le Sénat :

La nouvelle majorité de gauche récemment élue au Sénat a finalement détricoté le projet de loi initial. Si le gouvernement a programmé  une réduction de la dette d’environ 10 milliards pour 2012, les propositions votées en final en  séance ont ramené la réduction à quelque 13 milliards, due à la suppression par la majorité  sénatoriale du dispositif d’exonération des heures supplémentaires prévu dans la loi Tepa de 2007 . Avec l’abrogation de cette mesure, 4,5 milliards d’euros seront économisés pour les caisses de l’Etat, dont 2,9 milliards pour la Sécu, ont fait valoir les sénateurs.

Abandon de la hausse de la taxe sur les mutuelles

Les sénateurs ont également relevé de 8 à 11 % le forfait social qui  taxe les sommes versées par l’employeur au titre de l’intéressement (économies attendues : 1,2 milliard d’euros) et augmenté de 0,5% le prélèvement social sur les revenus du capital (rendement : 500 millions d’euros). Ils ont aussi voté pour une hausse de la taxation sur les retraites  chapeaux, les stock-options et les bonus des traders. Enfin, le doublement de la taxation des  complémentaires de santé (de 3,5 à 7% pour un rendement de 1,1 milliard), mesure très controversées a été abandonné.

Une commission mixte paritaire se réunira le 16 novembre pour tenter de trouver un compromis entre les deux versions du texte votées respectivement à l’Assemblée et au Sénat. Une CMP qui devrait se solder par un échec, compte tenu des maquettes de texte très différentes. Le 21 novembre, le texte sénatorial viendra en discussion pour une seconde  lecture à l’Assemblée nationale.

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A propos de l'auteur

Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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