Présidentielle : le LEEM sort sa plateforme

Présidentielle : le LEEM sort sa plateforme
février 10 00:36 2012 Imprimer l'article

[singlepic id=387 w=320 h=240 float=left]Comme en 2007, les entreprises du médicament regroupées sous la bannière du LEEM, entendent s’inviter dans le débat des présidentielles. Annoncée il y a quelques jours, leur lettre ouverte aux candidats à la présidence de la République vient de paraître sous le titre : « L’industrie du médicament au cœur du défi français ». La plateforme du syndicat professionnel interpelle les parlementaires et l’ensemble des acteurs de santé sur l’avenir industriel de la France et sur son rôle dans l’innovation thérapeutique.

[singlepic id=388 w=160 h=120 float=right]« Dans quelques semaines, l’un des candidats déclarés aura la lourde responsabilité de diriger notre pays », déclare Christian Lajoux (photo), président du Leem dans la lettre qu’il adresse aux candidats des prochaines présidentielles. « Il lui appartiendra alors d’arrêter les décisions qui permettront à la France de demeurer un acteur mondial du progrès thérapeutique et un exemple en matière de sécurité des patients. Il dépendra de lui que le dialogue conventionnel et la vision partagée des enjeux industriels demeurent les instruments privilégiés de la politique du médicament. Il lui reviendra, enfin, de montrer au reste du monde que notre pays veut continuer à cultiver les conditions de l’excellence scientifique et médicale, de la croissance industrielle et de l’emploi. » Le ton est donné et le libellé des exigences est conforme à l’antienne que le représentant officiel de la Pharma en France développe depuis 5 ans à chacun de ses discours, comme il se situe dans la droite ligne des thèses qu’il défend dans son livre paru en mars 2010 (1). Deux questions sont ainsi posées aux candidats, invités à répondre par oui ou par non : sont-ils conscients des contraintes qui pèsent sur ces entreprises de haute technologie, engagées dans des défis scientifiques et industriels de dimension internationale ? Mesurent-ils l’importance, pour la France, de développer une véritable politique industrielle de santé ? On devinera aisément que les prétendants à la plus haute fonction n’auront guère de mal à répondre par la positive, même si leur niveau de « conscience » n’est pas nécessairement accompagné du niveau correspondant de « reconnaissance » ou d’intérêt qu’ils devrait porter à une industrie qui emploie encore quelque 103 000 personnes en France, mais dont l’image est régulièrement ternie à l’aune des affaires qui jalonnent son parcours de croissance. Si la dernière en date, relative au scandale du Mediator, semble déjà loin, une loi ayant été votée en fin 2011 pour éloigner les orages, elle pourrait cependant prochainement s’inviter à nouveau dans le débat présidentiel (le procès du laboratoire Servier est programmé pour ce printemps) et ruiner une fois encore les efforts de communication de l’organisation faitière de la pharma. Mais qui ne tente rien n’a rien !

Relever le défi de l’innovation

Aussi, le LEEM a-t-il décidé de mettre au menu de sa plateforme quatre propositions qui lui paraissent de nature à, selon ses termes, « participer au renforcement d’une filière française de haute technologie, reconnue pour l’excellence de ses atouts industriels et scientifiques ». La première se propose de « relever le défi de l’innovation et de la sécurité, en développant une politique de coopération scientifique entre recherche publique et recherche privée ». Une voie déjà bien ouverte et dans laquelle nos industriels se sont engagés en s’équipant de tous les outils possibles pour la conforter au meilleur niveau possible. Le Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS) de 2009, comme celui de janvier dernier, ont renforcé cette stratégie en la dotant de quelques solides appuis. L’industrie « chimique » de la pharma manquant par ailleurs furieusement de nouvelles molécules pour prendre le relais de blockbusters désormais génériqués, ses promoteurs savent de longue date depuis leur « falaise des brevets » qu’il ne saurait y avoir de salut hors d’une solide coopération avec la recherche publique, comme avec les biotechs.

Une politique de régulation du médicament acceptable

La seconde proposition vise à développer l’attractivité de la France dans la compétition internationale, « en garantissant la cohérence entre politique de régulation du médicament et politique d’attractivité ». Ici l’exercice demandé au futur responsable des affaires du pays promet d’être plus difficile à réaliser. Car l’industrie a déjà quitté les rives de l’Europe pour les lointaines et attractives contrées asiatiques où lui sont promis des marchés qu’elle n’ose déjà plus espérer dans ses ancrages historiques traditionnels. Aussi, si l’hypothétique nouvelle hausse de TVA de 1,5 point – programmée par Nicolas Sarkozy pour la rentrée, s’il est encore en place – a pour vertu principale d’alléger les charges des entreprises pour les rendre plus compétitives, il n’est pas certain qu’elle suffise à maintenir les productions pharmaceutiques dans l’Hexagone.

[singlepic id=389 w=160 h=120 float=left]Car ces dernières, comme la recherche clinique, ont déjà franchi le Rubicon pour les contrées prospères de l’Asie où elles n’ont plus qu’à s’installer au plus près de ceux qui fabriquent déjà et depuis longtemps les principes actifs qui concourent à l’élaboration de nos médicaments. De plus, espérer que la politique de régulation du médicament – entendu sa taxation continue et progressive – revienne à des temps plus sereins relève également d’un voeu aussi pieux que les incantations du sermon de la montagne. Car partout en Europe, les Etats, laminés par des dettes abyssales, tentent de sauver ce qui peut l’être de leur protection sociale en cherchant des recettes là où ils peuvent encore penser pouvoir les trouver. L’industrie du médicament, qui affiche et affichera encore d’excellents résultats sur l’année écoulée, pourrait ainsi figurer de manière récurrente au nombre des joyeux donateurs/contributeurs. L’Allemagne a sur cette question ouvert une nouvelle voie qui aura coûté en année pleine quelque 2,5 milliards d’euros à son industrie du médicament, à coup de moratoire sur les prix et de rabais obligatoires. Le couple « Merkozy », bientôt en campagne commune, fera-t-il des émules de ce côté-ci du Rhin ?

Réussir le développement des biotechs

Un autre point évoqué par le LEEM voudrait que la France mise sur une politique industrielle d’avenir, « en soutenant la production industrielle en France, en réussissant la mutation de la production pharmaceutique et le développement des biotechnologies ». Sur le premier point, le LEEM, qui revendiquait hier pour la France sa place de leader européen des productions de médicament, semble avoir abandonné cette dernière prétention. Sur le second, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Mais la proposition du LEEM a déjà été formulée dans le passé et les analystes avisés du secteur savent que les cartes sont déjà battues sur ce dernier terrain, la France s’étant en quelque sorte fait damer le pion par la perfide Albion, entendu le Royaume-Uni . Notre champion national, Sanofi,  a certes annoncé en mars 2010 faire vouloir évoluer, d’ici 2014, son activité chimique vers les biotechnologies et la production de vaccins. Il a alors décidé d’investir 150 millions d’euros sur ses sites industriels dont 90 millions d’euros pour les sites de Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine-Maritime) et de Vertolaye (Puy de Dôme). Plus récemment, le groupe français a fait savoir qu’il démarrait à Vitry-sur-Seine un atelier de production dédié aux biotechnologies à culture cellulaire. Un « Biolaunch » pour lequel il a décidé d’investir 200 millions d’euros en se positionnant en « pionnier de la production d’anticorps monoclonaux ». Reste que les projets de ce style ne sont pas légion en France et que les représentants des biotechs espèrent aussi qu’on les entendra aussi sur leur souhait de structurer la filière industrielle et de favoriser les collaborations entre les grands groupes et les PME innovantes. Car la France en compte, semble-t-il, sans qu’elles soient réellement soutenues par leur grand frère de la pharma !

[singlepic id=390 w=200 h=160 float=right]At last but not least, le LEEM espère en 4ème lieu « installer la responsabilité et la transparence au cœur du système, en impliquant tous les acteurs et en travaillant ensemble pour un « juste usage » du médicament ». La proposition est intéressante, mais elle impose aux institutions en charge du médicament de clarifier leur mode de fonctionnement à défaut de préciser les règles du jeu qui s’imposent désormais au même médicament. Comme hier « la mauvaise monnaie chassait la bonne », voici que le « juste usage » chasse le « bon usage » dont on ne savait plus vraiment qu’elle voie pouvait encore lui être tracée. Les acteurs du système de santé ayant pour qualité essentielle de mener des stratégies qui leur sont propres – en ambulatoire, à l’hôpital, au sein de l’assurance maladie, dans les complémentaires -, on a peine à penser comment ils pourront s’accorder sur un « juste usage » d’un produit de santé qui ne constitue pas le coeur de leur activité à l’instar de ce qu’il représente pour les industriels concernés. Juste usage du médicament ou meilleur usage possible dans la limite des moyens financiers qui pourront lui être accordés au regard des autres dépenses de santé ? La question ne devrait pas manquer de traverser les débats politiques à venir.

[singlepic id=391 w=160 h=120 float=left]Le LEEM entend au total débattre en région de toutes ces questions. Il l’a déjà commencé à Toulouse, lors des « entretiens de la Dépêche du Midi » (photo) et poursuivra sa tournée à Strasbourg le 22 février, puis à Lyon le 29 février, à Agen le 9 mars et à Clermont-Ferrand le 14 mars. Le tout s’achèvera comme il se doit et comme il est de coutume à Paris, le 21 mars, à la Mutualité, en présence de représentants politiques nationaux. Dans sa plateforme, le LEEM fait intervenir un certain nombre de chef d’entreprise qui témoignent de la nécessité de défendre un secteur stratégique pour notre pays. Les propos de l’un d’entre eux (2) méritent d’être amplifiés à satiété : « Penser à l’avenir de nos enfants, c’est aussi leur offrir la possibilité d’exprimer leurs talents en France, de travailler, de créer, d’investir chez eux. Notre pays regorge de compétences. Il est urgent de ne pas gâcher cette chance.» Il est grand temps d’y penser.

Jean-Jacques Cristofari

(1) « le médicament : enjeu du XXIème siècle », Le Cherche Midi, mars 2010

(2) Il s’agit de Frédéric Soubeyrand, directeur général des Laboratoires Bouchara Recordati

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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