by Jean Jacques Cristofari | 16 janvier 2011 11 h 14 min
[singlepic id=98 w=320 h=240 float=left]Si « le velouté de légumes est moins cher chez Leclerc », les médicaments à prescription médicale facultative non remboursable pourraient l’être également demain. Pour peu que l’on autorise les 140 boutiques de parapharmacie du géant de la distribution à les vendre et remette en cause ce qui constitue encore un monopole – confirmé par les pouvoirs publics – de l’officine.
En relançant la guerre avec les pharmaciens d’officine, leur Ordre et leurs syndicats, sur un sujet qui lui sert de cheval de Troie pour vendre demain du médicament de prescription, Michel Edouard Leclerc entend soigner son image de pourfendeur des prix. En jeu, un marché qu’il estime ouvert depuis 2008, date de sa première offensive et qui pèse quelque 2 milliards d’euros. De quoi susciter de nouvelles convoitises.
Un marché total de 2 milliards d’euros
Les 350 produits à prescription médicale facultative et non remboursés par l’assurance-maladie – mais qui le sont par certains mutuelles dans les limites de forfaits annuels – qui sont désormais disponibles en libre-accès intéressent la grande distribution. Et surtout Michel E. Leclerc qui, depuis le passage en libre accès des produits dits de « médication officinale », espère également capter une part de ce qui peut constituer un marché de nouveaux produits d’appels pour les 140 parapharmacies installées dans les murs de ses enseignes. Car celui qui est un redoutable homme d’affaires lorgne avec envie sur les 2 milliards d’euros que représente au total le marché de l’automédication (ou OTC, remboursables ou pas), selon IMS, sur les 30 milliards d’euros de l’ensemble du marché du médicament en France. Avec 424,8 millions d’unités vendues (14,1 % du total des médicaments), le marché des produits de prescription médicale facultative (PMF, remboursés ou pas) progresse lentement mais sûrement (entre 0,6 % et 1 % depuis 2008) : sur ce dernier segment des ventes, l’automédication en OTC stricte – PMF non prescrits et non remboursables – rassemble 285 millions d’unités pour un CA de 1,59 milliards d’euros. Entre 2008 et 2009, leurs prix ont évolué de 2,3 % en moyenne, une progression due pour l’essentiel au lancement d’Alli, un produit destiné aux personnes en surpoids, mis sur le marché de l’OTC par GSK, équivalent de la molécule de Roche (le Xenical) mais moins dosé que cette dernière. En première ligne du classement des produits en accès libre figurent les médicaments destinés aux voies respiratoires, suivis des spécialités pour les voies digestives, les antalgiques (portés par les ibuprofènes oraux) ou encore les produits de dermatologie (voir ci-après le Top 10 des classes thérapeutiques en 2009). En septembre 2010, l’Afipa (1), syndicat professionnel qui rassemble les producteurs de PMF, constatait qu’un peu plus de la moitié des pharmaciens proposent désormais des médicaments devant le comptoir, la taille de l’officine, l’appartenance à un groupement de pharmaciens ou à une enseigne, l’âge du pharmacien, le lieu d’installation, les restructurations éventuelles au sein de l’officine étant autant de critères pouvant favoriser la mise en place du libre accès. Dispensateur de médicaments, le pharmacien voit ainsi son métier progressivement évoluer vers celui de coach santé, l’acte de conseil se trouvant renforcé par les possibilités que lui offre la récente loi HPST qui a clairement définit ses nouvelles « missions ».
Faible baisse des prix
Mais ce conseil officinal élargi suffira-t-il à empêcher le loup de la grande distribution d’entrer dans la bergerie officinale ? « Les pharmaciens d’officine se sont abrités pendant longtemps derrière le monopole et l’alibi de la compétence pour s’opposer à la pluralité des circuits de distribution et donc à la liberté des consommateurs d’acheter moins cher », faisait savoir en novembre 2009 le fils de l’épicier de Landernau sur son blog personnel, « de quoi je me M.E.L ?[1]« . 15 mois plus tard, ce dernier récidive et relance la polémique sur les prix des produits de médication officinale pratiqués par les pharmaciens, en avançant, analyse à l’appui[2], que ces derniers n’ont pas reculé depuis la mise en place du libre accès. « Le décret de libre-accès aurait dû favoriser la concurrence entre officines et donc réduire les écarts de prix de ces médicaments entre pharmacies. Il n’en est rien ! », avance E.M.L. Pour ce pourfendeur des prix – qui « oublie » pourtant de rétrocédera aux consommateurs les colossales marges arrières qu’il confisque à bien des producteurs -, la baisse des prix constatée n’a été que de 0,4 % depuis l’ouverture du libre accès, tandis que les prix des médicaments déremboursés ont , selon son étude, augmenté jusqu’à 53 %. Un argument qui lui semble suffisant pour demander une nouvelle fois le droit de vendre des médicaments non remboursés dans ses parapharmacies « sous le contrôle de leurs docteurs en pharmacie ». Le tout au bénéfice du patient qui se cache derrière le consommateur !
« Mr Leclerc promet des baisses de prix sur des produits qu’il n’est pas autorisé à distribuer, pour mieux dissimuler les augmentations de prix sur des produits dont il a aujourd’hui quasiment le monopole avec des pratiques illégales « , explique en son temps Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO[3] (2) en rappelant à l’envie, tout comme la président de l’Ordre des Pharmaciens, Isabelle Adenot[4], que « la santé n’est pas un bien de consommation » comme les autres. Pour la 3ème fois consécutive, M.E. Leclerc relance son vieux cheval de bataille, qui n’est aussi qu’un vieux cheval de Troie en vue de faire entrer la grande distribution dans le pré carré du monopole officinal. Pour l’heure cette nouvelle provocation aura largement démontré une seule chose : l’enseigne Leclerc sait soigner sa pub !
Jean-Jacques Cristofari
(1) En mars 2010, l’AFIPA[5], présidée par Vincent Cottard, a dressé un tableau de ce qu’elle nomme « l’automédication responsable » pratiquée par les Français. Ces derniers, note l’association professionnelle, la pratiquent largement : 53% d’entre eux achètent entre une à quatre fois par an un médicament de prescription médicale facultative. « Le consommateur devient comme un patient responsable, notamment au travers de la lecture de la notice faite par un consommateur sur deux. Les français qui utilisent le libre-accès perçoivent cet espace comme pratique et 65% d’entre eux considèrent que le pharmacien garde un rôle important dans la délivrance du médicament. Contrairement aux craintes perçues lors du lancement de la mesure, le consommateur, sensible à la question de la hausse des prix, reconnaît que ceux-ci demeurent stables. » Pas assez, selon M.E Leclerc qui considère pour sa part qu’ils se sont envolés !
(2) Union des syndicats de pharmaciens d’officine
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Source URL: http://pharmanalyses.fr/medicaments-non-rembourses-leclerc-soigne-sa-pub/
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