Industrie pharmaceutique : une image qui reste encore dégradée

Industrie pharmaceutique : une image qui reste encore dégradée
mai 10 16:20 2012 Imprimer l'article

400 leaders d’opinion d’origines diverses ont été interrogés par l’Association des Sociétés d’Etudes de Marché (Asocs) à la demande de l’Association Infostat, présidée par Catherine Durand-Couchoux, afin de savoir quelle est à ce jour l’image que peut avoir à leurs yeux l’industrie pharmaceutique, comparativement à quatre autres secteurs d’activité (automobile, téléphonie, industrie pétrolière et banque). 130 leaders économiques, 140 leaders politiques et 130 leaders médiatiques ont été questionnés et ont apporté leur éclairage nouveau sur la branche pharma dans ses différentes dimensions. Cette étude, dont nous reprenons quelques grands résultats, a été présentée le 11 mai à l’Union des Annonceurs (UDA), par sa section « Industrie du médicament et santé » dirigée par Florence Bernard.

Ce sont au total 400 leaders qui ont été interrogés au sein du panel BVA, qui se partage entre 140 personnalités « politiques » (élus locaux et parlementaires), 130 décideurs « économiques » (chefs d’entreprise et blogueurs influents) et 130 personnalités « médiatiques » (journalistes et patrons d’agences de communication). L’ensemble des personnes a été interviewé par téléphone entre le 21 novembre 2011 et le 6 janvier 2012. Dans sa globalité, le panel place la branche pharma dans une position moyenne en terme d’image globale, avec une note de 5,5 (sur une échelle de 1 à 10), derrière l’industrie automobile (6,2) et la téléphonie (6), mais devant l’industrie pétrolière (5,2) et la banque, qui pâtit des effets de la crise financière (avec une note de 4,3).

Les leaders médiatiques plus critiques[singlepic id=488 w=160 h=120 float=right]

Interrogés sur l’image qu’ils ont de la pharma, les leaders politiques lui donnent une note moyenne de 5,5, avec 28 % de leur effectif qui ont une image plutôt négative (note entre 1 et 4) de la branche et  21 % une opinion plutôt positive (note entre 8 et 10). Les personnalités économiques ont une meilleure image de la pharma, avec une note moyenne de 5,9 % et seulement 18 % d’opinions peu favorables. Les « médiatiques », avec une note moyenne faible, de 4,4 sur 10, se répartissent très nettement entre deux camps : les peu favorables à la pharma (52 % notent de 1 à 4) et les autres (43 % notent de 5 à 7). Seul un petit nombre (5 %) a une bonne image de la branche. Les leaders médiatiques se montrent ainsi beaucoup plus critiques que les politiques ou les chefs d’entreprise, ce quelle que soit la branche d’activité concernée. Et quand on demande aux trois catégories de leaders s’ils recommanderaient à l’un de leurs proches de travailler dans le secteur, l’industrie du médicament recueille le plus mauvais score dans les rangs des acteurs de la presse et de la communication, qui expriment à cet égard un véritable rejet. Mais sur cette dernière question des « recommandations », c’est cependant la banque qui, toutes catégories confondues, recueille le moins d’opinion favorable, signe d’une époque qui lui est peu favorable dans la crise actuelle.

[singlepic id=490 w=160 h=120 float=left]Des jugements sévères

L’ensemble des leaders questionnés a par ailleurs qualifié les différentes industries. La pharma recueille au registre des points de vue négatifs, les qualificatifs de «profits», d’ « affairistes », d’ « opaque »,de « manque de transparence » ou encore de « menteurs » ou de « malhonnête ». Seul le secteur bancaire récupère à son passif ces deux derniers qualificatifs. A l’actif de la pharma, les leaders placent la recherche, l’innovation, le développement économique ou formulent encore à son égard les qualificatifs de « nécessaire » et « d’indispensable », critères par ailleurs également partagés par d’autres secteurs économiques comme l’automobile ou la banque.  Au total, note l’Asocs, l’industrie pharmaceutique est plus associée à la recherche et l’innovation que les autres secteurs d’activité. Les critères relatifs à son développement économique, à ses exportations, à sa compétitivité, à l’emploi ou encore à ses performances ne sont cités qu’en 2ème lieu par les leaders, à égalité avec les aspects « nécessaire, indispensable, utile, vital, important et professionnel » attribués à la branche pharma.

Toujours au regard des points négatifs des secteurs économiques analysés, la pharma recueille les qualificatifs de « profits, profiteurs, spéculateurs, affairistes, cupide et exploiteur » auprès de 21 % des leaders, contre 17 % pour la banque, 9 % pour l’industrie pétrolière 5 % pour l’automobile. La pharma est également jugée plus « opaque, abstraite et manquant de transparence » que les branches voisines par 16 % des leaders interrogés, contre 13 % pour la banque ou 12 % pour les télécoms. Plus grave, 15 % des leaders jugent le secteur pharma « menteur, malhonnête, corrompu, manquant d’éthique ou de morale ». Sans doute ici que l’affaire du Mediator aura contribué à dégrader une image de l’industrie déjà ternie par des affaires antérieures et qui peine à redresser une vision plutôt encore négative à son égard. Plus étonnant, 8 % des leaders estiment que la pharma est un secteur « dangereux, risqué et pas sécurisé », ce qui la classe derrière la banque (10 %). Ces différents points sont appréciés diversement selon l’activité des leaders d’opinion interrogés (voir ci-dessous) : ainsi les « politiques » sont, sur certains points, plus sévères à l’encontre de la pharma que les chefs d’entreprise ou les « médiatiques », ces derniers jugeant, on comprend pourquoi, plus sévèrement que les autres les acteurs de la branche quant à son opacité ou son manque de transparence.

Ils jugent sévèrement la pharma

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[cliquer sur le tableau pour l’agrandir]

Les leaders ont également été interrogés sur la délicate question du prix des médicaments et des recettes qui peuvent être utilisées pour maîtriser les coûts de la santé. Plus de la majorité (68 %) d’entre-eux estiment que les prix des spécialités pharmaceutiques sont trop hauts : 60 % des chefs d’entreprise le disent, contre 64 % des journalistes et …80 % des politiques, qui, pour partie, ont à se prononcer chaque année sur le projet de loi de financement de la Sécu. Quant aux solutions à apporter, elles différent des uns aux autres : 60 % des politiques proposent de traiter les malades d’abord avec des génériques; 60 % des chefs d’entreprise suggèrent de limiter l’accès au marché des médicaments aux seuls produits innovants, qui apportent une avancée thérapeutique suffisante; et enfin 61 % des « médiatiques » que la collectivité devrait limiter l’accès au marché des médicaments aux seuls produits innovants, qui apportent une avancée thérapeutique suffisante. Et si tous sont soucieux de l’impact des coûts de la santé, ils pensent à 57 % que le coût supporté par les ménages pour leurs dépenses de santé est acceptable (45 % des politiques sont de cette opinion et 70 % des leaders économiques). Enfin, tous sont peu enclins (42 %) à limiter pour autant le droit de prescription des médecins.

Au total, l’étude de l’Asocs permet de mesurer pour la première fois dans le détail ce que les différents leaders des mondes politique, économique et médiatique pensent de notre industrie du médicament, en termes positifs comme en appréciations négatives. Elle permet de sortir des clichés éculés sur la « bonne » ou « mauvaise » opinion que les Français, en général, ont de leur industrie. Elle fournit surtout une photographie globale plus détaillée de l’image d’un secteur essentiel à la santé, en soulignant ce qu’en pensent des leaders des trois grandes composantes de notre société qui, pour la 1ère fois, comparent aussi la pharma aux autres branches. Une lecture indispensable pour les « leaders » même de la pharma, comme pour leurs services marketing.

Jean-Jacques Cristofari

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La vision des leaders sur les thèmes porteurs de la pharma

Sur les différentes opinions permettant de caractériser l’industrie pharmaceutique, les 400 leaders interrogés ont attribué dans leur domaine respectif une note de 1 à 6 représentant leur niveau d’accord avec cette opinion

NB : 1= pas du tout d’accord, 6 tout à fait d’accord, les notes intermédiaires permettant de nuancer leur opinion

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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