Dépassements d’honoraires des médecins : un contrat suffira-t-il pour geler les excès ?

Dépassements d’honoraires des médecins : un contrat suffira-t-il pour geler les excès ?
mars 26 22:35 2013 Imprimer l'article

[singlepic id=711 w=300 h=220 float=left]L’avenant 8 de la Convention médicale d’octobre 2012 prévoit de réguler les dépassements d’horaires par la mise en place d’un contrat d’accès aux soins auquel sont invités à adhérer les médecins exerçant en secteur 2 ou titulaires d’un droit à dépassement permanent (DP). Ouvert à ces derniers le 1er janvier dernier, le contrat devrait entrer en vigueur le 1er juillet prochain. Encore faudra-t-il qu’au moins un tiers des médecins éligibles y adhèrent. Dans les rangs des syndicats de médecins les avis divergent et pour les spécialistes la résistance s’organise. De son côté, la ministre de la Santé, Marissol Touraine, veut tout faire pour mettre en oeuvre l’accord sur les dépassements.

Le 27 février dernier, la Caisse nationale d’assurance maladie a présenté aux trois syndicats médicaux signataires de l’avenant 8 de la Convention médicale le nouveau dispositif ouvert aux praticiens du secteur 2 avec le « contrat d’accès aux soins ». Il s’agit en quelque sorte d’un nouveau secteur d’exercice qui permettra aux médecins à honoraires libres qui y souscriront de bénéficier de la prise en charge par la CNAM d’une partie des cotisations sociales (4 300 euros par an) pour les actes réalisés aux tarifs opposables. En contrepartie, les adhérents au contrat s’engagent à geler leur pratique tarifaire pendant trois ans. Leur part d’activité à tarif opposable devra être supérieure ou égale à celle qu’ils pratiquaient avant leur adhésion et les soins dispensés bénéficieront des mêmes tarifs de remboursement que le secteur à honoraires opposables (secteur 1). Par ce contrat, les patients ayant recours à un médecin secteur 2 adhérant – les 1 400 médecins hospitaliers qui ont une activité libérale en secteur privé sont aussi éligibles au contrat – bénéficieront d’un meilleur remboursement de leurs soins. Ils verront le montant de leur reste à charge diminuer, alors que les médecins maintiendront leurs tarifs. A travers cette formule, les médecins en secteur 1 et les adhérents au contrat en secteur 2 bénéficieront conjointement des nouveaux modes de rémunération prévus par la convention, soit : une rémunération forfaitaire pour assurer le suivi des personnes âgées de 85 ans et plus, ainsi qu’un forfait médecin traitant destiné à valoriser la prise en charge des patients hors ALD, une consultation de suivi d’hospitalisation et une majoration sur les consultations pédiatriques réalisées à tarif opposable, ce dès juillet 2013. A compter de juillet 2014, s’y ajoutera une rémunération forfaitaire pour le suivi des personnes âgées de 80 ans et plus.

[singlepic id=710 w=280 h=180 float=left]Pas question de stigmatiser les gros dépasseurs

Cette revalorisation de la « médecine de proximité » correspond, selon la CNAM, à un investissement de 320 millions d’euros en année pleine. L’augmentation moyenne de la prise en charge par l’assurance-maladie d’un patient ayant choisi de consulter un spécialiste qui aura adhéré au contrat d’accès aux soins, est estimée par la CNAM à 20 %. Par ce nouveau dispositif, les médecins en secteur 2 s’engagent à moins tarifer leurs actes en plafonnant leurs dépassements. Le patient bénéficie de son côté d’une meilleure prise en charge.
Reste que trois mois après avoir signé cet avenant, un seul syndicat, la CSMF et en particulier sa branche spécialiste, l’UMESPE (2), défend encore le principe du contrat d’accès aux soins, le SML n’encourageant en rien ses confrères à le faire. Car la question des dépassements d’honoraires « abusifs » a fait voler en éclat le consensus qui pouvait encore exister, du moins en façade, lors de la signature de l’avenant 8. Ainsi, fin février, la Commission paritaire nationale (CPN), où se retrouvent la CNAM et les syndicats signataires, a vu les syndicats de spécialistes rejeter le plan de repérage des dépassements abusifs proposé par l’assurance-maladie. En ligne de mire 1 500 médecins « gros dépasseurs », que ni la CSMF, ni le SML ne veulent stigmatiser, et encore moins voir servir de prétexte pour une remise en cause plus profonde du principe même des dépassements. Et au delà du secteur 2 !

La CSMF plus conciliante que le SML[singlepic id=712 w=2600 h=160 float=right]

La CSMF, qui vient de tenir son assemblée générale, réaffirme « avec force l’intérêt de l’avenant n°8 » et considère que ce dernier « permet de protéger le secteur 2 contre les mesures brutales initialement prévues par le gouvernement ». La Confédération présidée par le Dr Michel Chassang (photo), se veut pour l’heure conciliante. Elle a ainsi fait savoir que si elle « veillera à l’application des mesures tarifaires prévues dans cet accord », elle oeuvrera pour élaborer des « propositions concrètes et réalistes pour construire une nouvelle étape de revalorisation du secteur 1 dans le cadre de la négociation prévue sur ce sujet en 2013 ». Mais elle encourage surtout les médecins concernés « à adhérer au contrat d’accès aux soins et leur conseille de faire leur propre choix en toute indépendance et selon leur situation personnelle. »

[singlepic id=713 w=260 h=180 float=left]Une autre stratégie

Le syndicat des généralistes, MG France, peu concerné par cette question des dépassements – peu de généralistes sont en secteur 2 -, a fait valoir de son côté qu’il soutenait une politique qui s’attaque aux abus, mais qu’il revenait aux deux autres syndicats d’assumer leur responsabilité face à leur signature de l’avenant 8. « Il revient aux seuls syndicats de praticiens du secteur 2 de décider s’ils permettent aux médecins qui abusent d’échapper à toutes sanctions », indique son président, le Dr Claude Leicher (photo). « C’est à eux seuls de décider s’ils veulent ou non mettre en œuvre l’avenant 8 et la régulation du secteur 2, régulation en faveur de laquelle le SML et la CSMF s’étaient engagés auprès du gouvernement ». « L’accord sur les dépassements d’honoraires est viable, il faut tout faire pour le mettre en œuvre », souligne Marisol Touraine début mars devant l’Association des journalistes d’information sociale (AJIS). « Certains médecins dans le secteur libéral hospitalier ont déjà annoncé qu’ils allaient revenir sur leurs honoraires de façon significative », a-t-elle ajouté, comme pour inviter les libéraux à en faire de même. « Mon objectif n’est pas de sanctionner abusivement, a ajouté la ministre de la Santé. Il n’y a pas de raison d’agir par voix législative. Je ne suis pas dans une logique d’échec. » Pour MG France, l’avenant 8 ne règlera pas en lui-même l’épineuse question des dépassements d’honoraires. « Il faudra recourir à une autre stratégie, décrite par la Cour des Comptes : un parcours de santé à tarif remboursable, fait savoir le Dr Leicher. Cette stratégie a un sens politique. Elle permettrait d’améliorer réellement l’accès aux soins de tous. » La mise en place rapide par la CNAM de l’Observatoire des dépassements indiquera déjà quelle stratégie poursuit réellement l’assurance-maladie, gestionnaire des cotisations des assurés.

Jean-Jacques Cristofari

  

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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