Convention officines / assurance maladie : la voie étroite

Convention officines / assurance maladie : la voie étroite
avril 01 15:48 2012 Imprimer l'article

[singlepic id=445 w=320 h=240 float=left]Les syndicats de pharmaciens d’officine et l’assurance maladie viennent de conclure une nouvelle convention. Elle prévoit d’accorder aux officines de nouveaux modes de rémunération pour pallier les pertes de marges subies ces dernières années par le réseau des pharmaciens. L’enveloppe accordée par l’assurance maladie, après arbitrage du ministère de la Santé, s’élève à quelque 50 millions d’euros. Soit à peine 1 % du montant total annuel des marges des officines. Les syndicats de la profession en réclamaient trois fois plus. Dans un contexte de baisse programmée des ventes de médicaments remboursés pour 2012, il n’est pas sûr que cet accord, davantage chargé de promesses que de certitudes sur l’avenir, soit de nature à redresser une situation économique largement dégradée dans les rangs du monde officinal.

Le monde officinal dispose à nouveau, depuis le 29 mars, d’une convention, signée entre ses syndicats représentatifs (FSPF, UNPF et USPO) et l’assurance maladie. A moins d’un retournement de dernière heure, elle devrait être signée par les premiers, à la plus grande satisfaction de la seconde, représentée par son directeur, Frédéric Van Roeckeghem. Le texte prévoit d’accorder 50 millions d’euros au réseau officinal afin de permettre d’augmenter sa marge sur les gros conditionnements et de revaloriser les indemnisations perçues par les pharmaciens pour les gardes qu’ils effectuent. Encore faudra-t-il que le gouvernement signe un arrêté qui réduira à 10 % – contre 30 % actuellement, en moyenne – la perte de marge subie sur le prix de vente par un officinal qui délivre une boîte de trois mois de traitement à un malade chronique, alors que l’industriel ne baisse ses prix que de 5 % sur le même conditionnement (1). Mais le texte soumis aux assemblées générales des syndicats va plus loin et prévoit d’introduire à l’avenir un honoraire de dispensation des médicaments au comptoir de l’officine, dont les modalités devront être précisée par avenant avant la fin de l’année. L’objectif poursuivi est ici de voir 25 % de la rémunération des pharmaciens constituée par le paiement à l’acte ou au forfait dans cinq ans. Cette nouvelle rémunération équivaut à un quart de la marge annuelle d’une pharmacie, soit 87 750 euros par pharmacie, sur un total de 351 000 euros (2) en moyenne pour un chiffre d’affaires moyen de 1 544 743 euros. [singlepic id=447 w=160 h=120 float=right]

Des objectifs individualisés

Le nouveau dispositif ne sera néanmoins lancé qu’en 2013 et les six mois à venir devraient être mis à profit pour en définir les modalités précises. La convention devait également préciser quelles « nouvelles missions » – telles que le prévoit la loi HPST de juillet 2009 – du pharmacien pourront donner lieu à perception d’un honoraire et les conseils donnés en matière de prévention, de prise de la pilule du lendemain ou de suivi des traitements substitutifs aux opiacés devraient faire partie des premiers champs d’application de la réforme. En parallèle, les pharmaciens pourront également percevoir un forfait (40 euros TTC par patient annuellement) pour le suivi de certains traitements comme l’accompagnement des patients sous antivitamines (médicaments anticoagulants oraux ou AVK). Cet accompagnement comprendra un entretien à l’initiation du traitement et au moins deux entretiens pharmaceutiques. Enfin, une prime annuelle à la performance sera accordée par l’assurance maladie aux officines, selon les résultats obtenus sur certains objectifs de santé publique ou d’efficience économique, comme c’est le cas pour les généralistes depuis le début de l’année et bientôt pour les cardiologues. Les pharmaciens devront ainsi atteindre des objectifs individualisés de substitution des génériques, dont le taux a considérablement chuté ces deux dernières années (il était de 72,11 % en novembre dernier). L’atteinte de l’objectif devrait générer une prime de 3 000 euros. Les pharmaciens devront également s’engager sur la délivrance d’une seule marque de génériques aux personnes âgées de plus de 75 ans, ce afin de favoriser une bonne adaptation du traitement par des personnes troublées par les changements de boîte. Le nouvel objectif est fixé à 90 % de génériques d’une même marque. Si ce taux n’est pas atteint, la rémunération du pharmacien sera réduite de 20 %

Boite à Pandore[singlepic id=448 w=180 h=140 float=right]

Si cette nouvelle convention ouvre la voie à de nouveaux modes de rémunération pour les pharmaciens, appelés à  jouer, à travers les « missions » fixées par la loi, de nouveaux rôles dans le système de santé, il n’est pas certain que les enveloppes consenties par l’assurance maladie suffisent à renflouer les nombreuses voies d’eau du bateau officinal. Les 50 millions accordés par l’assurance maladie pourraient à cet égard jouer le rôle de la boite à Pandore. Car les données publiées cette semaine par IMS Health sont sans appel : « en France, le marché des médicaments remboursables en ville stagne depuis quatre ans, mais il entre pour la première fois en récession en 2012, avec une baisse anticipée de 2 % en valeur », note le président de la société d’analyse, Robert Chu. Avec un chiffre d’affaires en prix public de 35,3 milliards d’euros en 2011, dont 85 % composé de médicaments sous AMM (dont 70 % prescrit) les officines françaises, qui ont perdu 350 millions d’euros de marges en 2011 – soit une perte de 15 000 euros par pharmacie – se préparent à vivre une nouvelle année de « croissance négative » via un ONDAM fixé à 2,5 %, ajouté à des mesures d’économies sur le médicament, des ajustements tarifaires, des baisses de prix et des déremboursements.  » Cette baisse du marché en valeur est un événement inédit ; nous n’avons jamais vu cela », observe l’économiste de la Santé Claude Le Pen, professeur à Paris‐Dauphine et consultant IMS Health France. « C’est en effet le résultat de la combinaison d’une maîtrise des volumes par les prescripteurs et d’une baisse de prix imposée par les pouvoirs publics pour faire face à la crise de la dette et limiter la croissance des dépenses de santé. » Outre Rhin, les officines allemandes, soumises à une régulation forte du marché du médicament – moratoire sur les prix et discounts obligatoires sur les génériques – voient de leur côté leur chiffre d’affaires progresser de 1,6 % en 2011, à 31,9 milliards d’euro, ce sur un marché total du médicament qui marque cependant un recul de 0,3 %.

[singlepic id=449 w=180 h=140 float=left]Eviter de sombrer dans le marasme

Dans ce contexte pharmaceutique pour le moins déprimé, les officines devraient continuer à perdre de la marge, sans que les nouvelles mesures arrêtées par la convention ne puissent venir réellement compenser ses pertes. Les syndicats d’officine viennent de parier que les nouveaux modes de rémunération associés aux missions dont pourra s’emparer le pharmacien éviteront à ce dernier de sombrer dans le marasme économique ambiant. Rien n’est pour l’heure moins sûr dans la voie étroite qui vient de leur être tracée. Quel sera le plan pour 2013 ? interroge IMS à propos de l’évolution générale de notre système de protection sociale après les élections, avec un déficit cumulé de la Sécu de quelque 130 milliards d’euros. « Il existe des options politiques mais avant tout une réalité financière, commente Claude Le Pen. C’est pourquoi nous ne croyons pas beaucoup à la possibilité d’une politique radicalement différente. »

Jean-Jacques Cristofari

(1) Le 3 avril dernier, l’assemblée générale de l’USPO s’est prononcée pour la signature de la nouvelle convention pharmaceutique. L’arrêté sur la marge des conditionnements trimestriels, serait « dans les tuyaux », selon son président, Gilles Bonnnefond qui se dit satisfait de cette convention qui renforce le rôle de professionnel de santé du pharmacien. L’UNPF a également fait connaître son intention de signer le texte.

(2) Selon Pharmastat, novembre 2011, publié par « Officines Avenir », le journal de l’USPO, février 2012

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Source : IMS LMPSO, Pharmatrend et IMS Paratrend, Décembre 2011
(1) prix réel

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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