by Jean Jacques Cristofari | 17 juin 2020 12 h 03 min
La commission des comptes de la Sécu vient de rendre son bilan pour 2020. Le déficit plongera à 52 milliards d’euros cette année. Un effondrement des comptes sans précédent, largement dû aux conséquences de la pandémie sur les dépenses, mais surtout sur les recettes.
Il y a à peine quelques mois, tout se présentait dans le meilleur des mondes possibles, ou presque : après un début de décennie au cours duquel le régime général de la Sécu présentait un déficit historique de 23,9 milliards d’euros, dont 11,6 pour la seule branche maladie, une lente, mais progressive décrue s’en était suivie jusqu’en 2019. Les annonces gouvernementales prédisaient un avenir en rose. « Après 18 ans de déficit, la Sécurité sociale dégagera un excédent de 700 millions d’euros en 2019.Une première depuis 2001 ! « , commentait il y a tout juste un an Agnès Buzyn, alors en charge de la Solidarité et de la Santé.
La suite démentira ces prévisions optimistes qui s’appuyaient sur une masse salariale en croissance et des recettes tirées des prélèvements sur les revenus du capital et des impôts, taxes et contributions sociales supérieures aux prévisions. Car une fois les comptes bouclés, le déficit du régime général sera de 0,4 milliard d’euros et celui de la branche maladie de 1,5 milliard.
Dégradation historique
Pour 2020, en amont de la crise pandémique, la loi de Financement de la Sécu avait arrêté un solde de -5,4 milliards d’euros, dont -4,1 milliards pour le régime général et -1,4 milliard pour le Fond de Solidarité Vieillesse. Les résultats transmis cette semaine par la Commission des Comptes de la Sécu renversent la table : » Les projections font apparaître une dégradation historique des comptes de la sécurité sociale, note la Commission. Le déficit pour 2020 du régime général et du FSV est désormais estimé à 52 milliards d’euros. Cette prévision repose sur une hypothèse de baisse en volume du PIB de 11% et une diminution de la masse salariale du secteur privé de 9,7%. La branche maladie devrait dans ce registre payer le plus lourd tribu, avec un trou de 31,1 milliard d’euros, du fait d’un affaissement des recettes, dû pour l’essentiel à une contraction de 9,7% de la masse salariale du secteur privé soumise à cotisation, associé à une hausse des dépenses. La situation de l’emploi, avec 1,2 million d’emploi perdus fin 2020 conjugué à une baisse du salaire moyen de 5,7 %, ne devrait pas améliorer les choses.
» A titre illustratif, souligne la Commission des Comptes de la Sécu, une hausse ou une baisse de 2 points du PIB, qui entraînerait une hausse ou une baisse équivalente de 2 points de la masse salariale du secteur privé et de la consommation, engendrerait, pour le régime général, des pertes de recettes assises sur la masse salariale (cotisations, CSG et CRDS) de 4,1 milliards d’euros et des pertes de TVA de 0,8 milliard, soit près de 5 milliards au total. »
Dans son avis du 10 juin 2020, le Haut Conseil des finances publiques souligne que la crise sanitaire se traduit par des incertitudes d’une ampleur inédite qui rendent difficile tout exercice de prévision économique et par des chocs qui suscitent des réponses budgétaires d’une portée inhabituelle. Le recul de l’activité de 11 % en 2020 annoncé par le gouvernement lui semble même une « prévision prudente ». « Le scénario du Gouvernement ne suppose plus, contrairement à celui présenté dans le précédent PLFR, un retour rapide à la normale de l’activité, mais prévoit que l’activité restera au second semestre nettement en dessous de son niveau de la fin de 2019« , note ainsi le Haut Conseil.
Vers une refondation du système de santé
Au total, le régime général passerait d’une situation de quasi-équilibre en 2019 (-0,4 milliard d’euros) à un déficit de 50 milliards et toutes les branches de la sécurité sociale seraient concernées par cette détérioration. A elle seule, la branche maladie, avec – 31,1 milliards d’euros, atteindra un niveau de déficit comparable à celui de l’ensemble de la sécurité sociale après la crise financière de 2008-2009. Ces perspectives, inédites dans l’histoire de notre protection sociale, nécessiteront une refondation totale du financement de la santé comme de l’organisation même de notre système de santé. Si la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES) devrait reprendre du service au delà de 2024 (1), date initialement prévue de l’épurement total de sa dette, d’autres réformes s’imposeront.
Le Ségur de la Santé, lancé récemment et qui doit produire ses conclusions en juillet prochain, devrait donner une première indication du champ des possibles. Pour la suite, il faudra attendre la rentrée de septembre et la reprise des travaux parlementaires autour de la future loi de financement de la Sécu pour 2020. Un nouveau chemin de Damas se prépare.
J-J Cristofari
(1) Selon la Commission des Comptes de la Sécu : « Un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire relatif à la dette sociale et à l’autonomie ont été déposés le 27 mai à l’Assemblée nationale. Le projet de loi organique reporte la date de fin de remboursement de la dette sociale, estimée fin 2019 par la CADES à 2024, au 31 décembre 2033, afin d’organiser de nouveaux transferts de dettes à la CADES à hauteur de 136 milliards d’euros, selon le projet de loi ordinaire. »
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